Ex nihilo Neil

03 juin 2011

Les Prétendants d'Elya (2)

Suite donc des aventures dans l'univers du jeu Prophecy. En ce qui concerne les notes de bas de page... ben j'ai pas encore trouvé comment les arranger. Si quelqu'un sait, qu'il n'hésite pas. C'est arrangé, merci Xebax.





Les Nobiliaires Noctambules

Le lendemain matin je me rendis directement au temple d’Heyra. De nombreux prodiges s’y trouvaient, méditant ou échangeant leurs expériences, ainsi que quelques femmes venues accomplir les rituels de fertilité et un groupe de porteurs d’arcs, vraisemblablement des chasseurs locaux. Ceux-ci étaient venus prier Heyra de leur épargner de nouveaux ennuis. Apparemment, les récits parvenus jusqu’à moi péchaient par modestie : les bêtes sauvages étaient devenues plus que féroces, loups et sangliers agressaient régulièrement paysans et forestiers, et chaque semaine apportait son lot de nouveaux bûcherons manquant à l’appel. Les meilleurs pièges étaient déjoués avec une malice qui n’avait rien d’animal.

Après quelques génuflexions d’usage, je sortis et retrouvai Vallach’ et Aléthéïos qui confirmèrent mes craintes : sur le chemin du palais (Vallach’ ayant désiré « reconnaître les lieux pour le soir »), ils avaient secouru un homme en train de tomber d’un échafaudage. Vallach’ insista beaucoup sur le fait que c’était lui qui avait sauvé l’ouvrier, bien qu’Aléthéïos m’eût vite fait comprendre d’un signe de main qu’il avait plus amorti la chute qu’autre chose.
Cependant leurs versions convergeaient en un point : la corde qui avait lâché s’était dénouée toute seule, comme par magie. Une nouvelle « farce » des Faës, vraisemblablement.

Or rien, je dis bien rien, ne peut d’ordinaire forcer les Faës à quitter leur forêt. Quel que fût l’événement qui les avait énervés au point d’envahir la ville, il était d’une extrême gravité.

Un peu plus loin Pelenor, Galaad et Azyel chevauchaient vers nous. Pelenor et son groupe de combattants étaient allés proposer leurs services aux protecteurs comme suppléments de sécurité, mais ces derniers ne manquaient pas d’hommes. Tout au plus ont-ils évoqué des troubles du côté du port entre deux bandes rivales, ce qui n’intéressait guère le chevalier.
En revanche Galaad avait surpris une conversation entre deux gardes, qui évoquaient la récente agression des factionnaires aux portes de la ville. Cela s’était apparemment produit deux fois, une semaine et trois jours plus tôt, au niveau des entrées sud et ouest. D’après les gardes, et bien que cela n’eût pas été mentionné dans le rapport officiel, ils auraient été endormis par une odeur nauséabonde imprégnée sur une étoffe. Aléthéïos, qui semblait avoir étudié quelques notions humanistes, nous parla de ces étonnantes créations alchimiques qu’étaient les somnifères. Les Grands Dragons autorisaient le chloroforme dans certains cas exceptionnels, mais cet usage précis était évidemment prohibé dans tous les États draconiques. Azyel exprima tout haut l’inquiétude générale du groupe, à savoir qu’il semblait bien qu’un groupuscule humaniste eût réussi à pénétrer la cité.

Cependant, si nuisibles que fussent ces hérétiques, je ne les pensais pas capables de mettre en colère une forêt entière à ce point. Faute de mieux, mes nouveaux amis décidèrent de m’aider à poursuivre mon enquête et nous nous rendîmes successivement dans une chapelle de voyageurs, parmi les commerçants, mais ni les serviteurs de Szyl[1], ni ceux de Khy[2] ne purent nous aider… Tous évoquaient de multiples incidents à travers la cité, tous relataient des problèmes en forêt avec les animaux, mais aucun n’avait la moindre idée d’explication.
Finalement, Pelenor s’isola quelque temps. Il disait être lié avec un dragon de la nature et désirait s’entretenir avec lui par télépathie. Quelques minutes plus tard, il revint la mine un peu déconfite.
« Que t’a-t-il dit ?
Elle m’a dit que c’était étrange, et qu’il faudrait enquêter.
— Super ! » s’insurgea Vallach’, qui semblait s’impliquer de plus en plus dans l’enquête. Ce qui finalement était logique puisque dans son esprit la ville serait bientôt sous sa responsabilité. « On peut dire que tes relations en haut lieu sont des plus utiles !
— Elle est trop loin d’ici pour en savoir plus, mais elle m’a dit qu’en gros, la forêt avait l’air en colère. Très en colère.
— Nous voilà bien aidés ! Bah, peu importe, allons nous sustenter. Mon estomac crie famine, je vous imagine dans le même cas. Allons à l’Anguille Crevée, car je sens que si nos ventres concordent, nos bourses n’agréent pas forcément de la même façon. »
Cette manière de rappeler à la moitié du groupe qu’elle était nettement moins argentée que l’autre nous laissa froids et l’auberge nous fit bon accueil.

Une fois restaurés, nous sortîmes et pûmes admirer le cortège d’un nouveau prétendant, le champion d’Ircadie. Je dois dire qu’il était impressionnant. J’avais qualifié Pelenor de colosse, par comparaison à mon physique un peu fluet, mais ce combattant-ci était un monstre, une bête de muscle. Athlétique, une peau tannée par le soleil brûlant du sud des Marches Alizées tendue sur des muscles saillants, de longs cheveux noir corbeau tombant sur un dos droit, un menton volontaire, un regard d’azur qui vous vrillait jusqu’à l’os… Même Vallach’, malgré toutes ses illusions, sembla mal à l’aise à l’idée de l’affronter en combat singulier, ou même de l’avoir comme rival.
Selon son valet (celui qui tirait l’âne, et que nous avions depuis appris à connaître sous l’étrange sobriquet de Bernardo), il s’agissait d’un certain Cranor, grand espoir des combattants, comme en témoignait son épée bâtarde dont le fourreau était attaché sur son dos, à la mode barbare.

Le reste de la journée ne nous apprit rien de plus et nous nous rendîmes en soirée à la caste des Mages afin de « soigner » l’épée de Pelenor, qui avait rongé son frein tout l’après-midi et semblait un tout petit peu moins à l’aise que s’il avait dû se promener nu dans la grand-rue. Nous laissâmes à l’auberge Galaad, en charmante discussion avec Thallia.

Le vieux mage de la nature était bien plus sympathique que son jeune collègue de la veille : « Mais pourquoi n’êtes vous pas venus plus tôt dans la journée ? Je n’avais rien à faire… »
Pelenor se jura d’étrangler le jeune blanc-bec s’il le revoyait et confia sa lame au praticien, qui vint rapidement à bout du sort. Il s’avéra vite qu’il n’en savait pas plus que les autres villageois : quelqu’un avait dû faire quelque chose de terrible à la forêt.
Nous lui proposâmes de se joindre à nous le lendemain pour un petit raid dans les bois, histoire de s’assurer de visu de ces racontars. Pour sa part, il était tout disposé à les croire sur parole, les racontars, et n’avait aucune envie d’aller tenter le sort, mais après plusieurs exhortations, il finit par se laisser convaincre.

En rentrant vers la taverne, nous retrouvâmes Galaad quelque peu aigri. Apparemment Thallia ne « sentait pas d’avancée majeure dans leur relation », ce qui selon Pelenor pouvait se traduire par : « Va te coucher ! » En conséquence le protecteur étant très motivé pour un peu d’action et proposa de surveiller les portes de la cité. Comme elles étaient fort nombreuses, nous résolûmes de nous limiter aux quatre les plus méridionales, avec l’assistance de quelques-uns des amis chevaliers de Pelenor. Ce dernier semblait assez mitigé quant à l’idée de mêler ses collègues à cette histoire, mais il dut reconnaître qu’ils étaient d’excellents alliés en la circonstance, puisque avides d’action et très performants.
Aléthéïos semblant avoir pris fait et cause pour Vallach’ (il m’avait pourtant semblé un garçon réfléchi pour son âge… sans doute le romantisme échevelé de la jeunesse le poussait-t-il à jouer les Cyrano d’opérette), les deux comparses déclinèrent l’invitation et filèrent au château, apparemment pour mettre en œuvre un plan subtil fomenté de longue date par le Sieur de la Faisandière.

Je pris donc en charge la porte sud avec Pelenor. Galaad et Azyel géraient la suivante, les deux dernières étant gardées par André, Raoul, Bertrand et Serge (mais où vont-ils chercher des noms pareils ?), tous quatre chevaliers d’ordres divers. Si l’affaire avait bien un rapport avec celle qui nous intéressait, il était plus que probable que l’attaque viendrait du sud, depuis la forêt.
Nous attendîmes longtemps en silence. Le relatif manque d’assurance avec lequel j’avais connu Pelenor jusqu’ici avait disparu en même temps que l’enchantement sur son arme, et il ressemblait maintenant plus que jamais à une machine de guerre prête à se déplier en un instant pour découper tout ce qui l’approcherait.
Nous entendîmes soudain un grand cri suivi d’un désagréable son de crâne cassé en deux. Accourant vers la porte gardée par nos camarades, nous trouvâmes Azyel à moitié explosé par terre, le crâne fendu et un ou deux bras cassés. Ses jambes essayaient manifestement de courir dans la direction où on devinait Galaad poursuivant son agresseur, mais c’était là réflexe digne de poulet étêté. M’approchant de lui, je me concentrai en faisant appel au Don guérisseur de Heyra. Azyel se releva péniblement, ne souffrant plus que d’une écorchure au cuir chevelu et d’hématomes aux bras. Sa première tentative pour courir fut un échec assez pitoyable mais au bout d’une minute il parvint à peu près à se tenir debout. Le soin physique est immédiat, mais la séquelle psychique est forcément plus lente à cicatriser. Nous vîmes alors Galaad revenir, précédé d’une silhouette attachée, encapuchonnée de velours noir.
« Nous l’avons vue sauter de toit en toit à proximité de la porte. Azyel a voulu lui courir après. Il a aisément escaladé le mur grâce à un sort dont je préfère vous passer les détails…
— Mais si, c’est un sort de Mat-Ryxx. Il permet de s’appuyer sur les murs si les chaussures ont été convenablement enchantées, et comme j’ai passé toute la soirée d’hier à enchanter mes affaires, je…
— Oui, oui, oui… Donc, une fois en haut, il a interpellé la personne ici présente, mais celle-ci s’est enfuie en sautant de toit en toit. Et cet imbécile s’est un peu surestimé en tentant le même exploit. Il s’est presque rattrapé à la bordure, mais celle-ci a lâché au mauvais moment et il est tombé. Je me doutais que vous arriveriez alors j’ai poursuivi la… euh, la poursuite, quoi !
— Bien, voyons à qui nous avons affaire… »
Azyel baissa la capuche de la jeune personne qui s’avéra être une jeune fille. Des yeux verts magnifiques, une longue chevelure brune, un visage doux et agréable… du moins devait-il l’être en temps normal car là, elle semblait plutôt en colère. Galaad prit la tête de l’interrogatoire.
« Je me nomme Luna. Que me voulez-vous ?
— Qu’est-ce qu’une jeune fille comme vous, qui porte des vêtements de qualité… (il retroussa les manches de la jeune fille, révélant de grands bracelets ouvragés et couverts de runes) mage de surcroît, peut bien faire sur les toits de ces quartiers mal famés à une heure aussi tardive ? 
— En quoi cela vous regarde-t-il ? Est-il à présent interdit de se promener le soir en sa cité ? Et qui êtes-vous d’abord ? 
— Les questions, c’est nous qui les posons ! s’exclama Azyel, ayant visiblement mal pris sa chute durant la poursuite.
— Du calme, tempéra Galaad. Nous sommes responsables de la sécurité durant les festivités. Votre attitude étant suspecte, nous vous avons interpellée et vous vous êtes enfuie. Pourquoi ?
— Je suis commerçante, j’ai une petite boutique d’ustensiles magiques dans le quartier nord. J’aime me promener la nuit mais les rues ne sont pas sûres, alors je préfère les toits. Il n’y a aucun mal à ça, que je sache, officier ? 
— Mage, commerçante, vous cumulez les castes dites-moi. Mais peut-être ces bracelets sont-ils du toc… 
— Du toc… c’est probable, intervint de nouveau Azyel. Ces runes indiquent une mage de l’eau, des cités et du métal. Ça fait beaucoup ! 
— Je suis polyvalente, et alors, c’est interdit ? 
— Ce n’est pas si simple. Et vous vous trahissez en énonçant un mensonge aussi grossier : ces formes de magies ne vont pas ensemble. Ozyr[3] et Kezyr[4] ne font pas bon ménage ! »
La jeune fille rougit légèrement. Nous avions tous de toutes façons beaucoup trop voyagé pour ne pas reconnaître une menteuse quand nous en croisions une.
« Par ailleurs vous êtes fort bien habillée, même pour une commerçante. 
— Excusez-moi de réussir dans la vie. Tout le monde ne peut pas être soldat. »
Galaad prit mal le fait d’être rabaissé au simple rang d’homme d’armes. Il était protecteur, élite de la force draconique, chargé de faire respecter l’ordre dans toutes les régions où règnent les Grands Dragons… Pas un petit garde du guet municipal !
« Très bien ! Vous allez nous suivre à la caserne des protecteurs et nous allons vérifier que votre échoppe est aussi florissante que vous le semblez croire. »
Et ce faisant, il empoigna la jeune fille et commença d’avancer. La jeune fille tenta de résister mais il l’emporta vite.
« Une seconde… Je veux dire, attendez ! Protecteur… Écoutez, d’accord, je ne suis pas commerçante ! 
— Vous m’étonnez fort, ironisa Galaad sans toutefois s’arrêter de marcher.
— Bon, très bien, je suis la fille du régent des Marches Alizées. »
Le groupe s’arrêta, stupéfait. Tout le monde se tourna vers la fille.
« Je… Je n’ai pas le droit de quitter le palais, alors je m’en échappe de temps à autres de cette manière. Les gardes ne font jamais de difficultés et je peux me promener en toute quiétude. »
Une fois de plus, la surprise passée, nous comprîmes que nous avions affaire à un mensonge. Pas si grand que la dernière fois, mais un mensonge tout de même.
Galaad eut une lueur fugitive dans les yeux, comme si un éclair avait fusé dans son esprit. Saisissant la jeune fille par le bras, il lui susurra quelques mots à l’oreille.
Elle ouvrit ses grands yeux de sinople, se dégagea vivement et demanda : « Et quel genre de geste attendez-vous ? »
Galaad, se faisant moins dur, s’inclinant presque : « Si vous avez besoin d’aide, nous logeons à l’auberge de l’Anguille Crevée, dans le quartier près du château. Venez nous voir. »
La jeune fille fut pour le moins surprise de ce changement de ton. Elle fit un geste de remerciement, ramena sa capuche sur sa tête et commença à faire mine de partir.
« Désirez-vous une escorte ? demanda Galaad, tout investi de son rôle de protecteur.
— Non… Ce ne sera pas nécessaire, merci. 
— Comment peut-on entrer en contact avec vous ? »
Elle se retourna et un petit sourire mutin se dessina sur son visage. Ses yeux verts se fixèrent sur le protecteur : « Vous voulez entrer en contact avec moi ? »
Galaad répondit par un petit sourire gêné. Elle s’éloigna et disparut dans la nuit.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? s’exclama Azyel, appréciant peu de voir la proie pour laquelle il avait perdu un nombre déraisonnable de neurones s’enfuir aussi facilement.
— C’est vrai, Galaad… Que lui as-tu murmuré à l’oreille ? demanda Pelenor, qui s’efforçait de garder son calme mais dissimulait mal sa nervosité.
— C’est la princesse Nadia. 
— … béâmes-nous en chœur.
— J’ai prêché le faux pour savoir le vrai, je lui ai dit d’arrêter son cirque, que nous voulions bien garder son petit secret mais qu’elle devait faire un geste. 
— Intéressant, dis-je. Et comme geste, tu lui as donné notre adresse au cas où elle aurait des problèmes. Et tu penses vraiment qu’une demoiselle de cette qualité viendra nous voir, nous, un aréopage hétéroclite de…
— Un aéroquoi ? s’exclama Pelenor, dont la lame brillait malheureusement plus fort que l’esprit.
— Peu importe. Qui te dit qu’elle ne nous a pas baladés une fois de plus ? 
— Mon instinct. Et toi Fagus, qu’est-ce qui te fait croire qu’elle nous a menti ? 
— Mon sens de l’orientation. Ou il m’abuse fort, ou elle n’a pas vraiment pris le chemin du palais. 
— Mortecouille, mais c’est pourtant vrai… Sus à la gueuse ! s’emporta Azyel.
— On t’en demande pas tant. La retrouver, ce sera déjà bien. Je m’en charge… »

En fait, je ne l’avais jamais vraiment perdue. Comme nous conversions, j’avais adroitement mené la marche de mes camarades le long des venelles qu’avait empruntées la charmante créature, et une fois acquis l’aval de mes compères de fortune, je m’élançai à sa poursuite. Je la retrouvai bien vite alors qu’elle pénétrait dans un vieil immeuble désaffecté de quatre étages, bien plus haut que les bâtiments mitoyens. J’y entrai à mon tour, suivi de mes associés, dans la plus grande discrétion.
Nous autres prodiges n’avons pas le droit de porter armures et cuirasses. Seuls nous sont autorisés le pagne traditionnel et le shaaduk’t, notre fidèle bâton. Les castes guerrières ont toujours considéré ce point comme un désavantage. Elles oublient qu’il nous permet une liberté de mouvement et une furtivité que les tanks comme Pelenor ne pourront jamais égaler.

J’arrivai ainsi aisément au quatrième étage et, restant dans l’escalier, je pus entendre la conversation en cours dans une pièce du couloir, vraisemblablement entre deux jeunes filles :
« … ai été agressée par une bande de types un peu bizarres. Apparemment des prétendants. 
— Ah bon ? Ils sont mignons ? 
— Ma foi… Pas tous. Mais certains sont, disons… intéressants. 
— Tu me raconteras tout ça plus tard, il faut aller voir les autres. 
— Tu as raison, allons-y. »
Je descendis silencieusement les marches et fis signe aux autres de se dissimuler. Je me précipitai alors dans une pièce vide et poussiéreuse, et laissai les deux noctambules descendre l’escalier.
Une fois dehors la discrète poursuite reprit, cette fois en direction du palais. La seconde jeune fille semblait de loin une copie conforme de la première : une cape et un capuchon noirs, des cheveux bruns et longs qui ondulaient dans le vent de la course comme une crinière sombre…
Arrivées au palais, elles se dirigèrent vers une poterne sur le côté, firent un signe aux gardes de faction qui les laissèrent passer sans mot dire, et entrèrent en utilisant la clé.
Je racontai à mes camarades ce que j’avais entendu à l’étage et nous dissertions sur l’identité de ces « autres » quand nous vîmes apparaître sur le chemin menant au palais Aléthéïos et Vallach’, essoufflés mais joyeux, qui s’en venaient à notre rencontre. Quand je dis que nous les vîmes apparaître, c’est au sens propre : je suis certain qu’ils n’étaient pas sur la route à l’instant d’avant. Aléthéïos nous expliqua que Vallach’ avait l’intention de jouer une sérénade à la princesse sous son balcon, bravant les gardes et démontrant ainsi son courage et sa témérité. En fait, de témérité il n’avait pas eu besoin, puisque le mage des rêves lui avait proposé de le cacher par un sortilège d’illusion dès que les gardes pointeraient le bout de leur hallebarde.

Tout s’était apparemment très bien passé ; Vallach’ nous narra l’anecdote en long, en large et en travers. Avec ses mots à lui ça donnait à peu près ça :
« Je sortis mon violon et entamai la 14e Sérénade en ut mineur de Mathiass Enriço… Au bout de quelques mesures enchanteresses, la fenêtre du balcon s’ouvrit et, ô merveille, en jaillit la plus magnifique des femmes. Un sourire enchanteur, une cascade de boucles blondes qui ondulaient jusqu’à un corsage retenant deux fermes globes… Des yeux d’un bleu lipide, du bleu dans lequel les oiseaux amoureux se noient, et, j’en jurerais, qui tremblaient au rythme de ma mélodie d’amour. Mon archet, d’ordinaire simplement virtuose, s’emballa dans une sarabande effrénée à sa simple vue. Ses douces mains se joignirent et un soupir quitta ses lèvres purpurines pour venir échouer à mes oreilles. À ce moment, des lueurs commencèrent d’apparaître au rez-de-chaussée, et les gardes de sortir de partout. C’est alors que mon fidèle ami le mage lança son sort et mystifia l’adversaire tout en enchantant ma mie, car si je disparus, ma musique demeura et continua de ravir son ouïe d’esthète. Finalement, quand il s’avéra que les gardes commençaient à soupçonner quelque magie et qu’ils allaient chercher leurs propres mages, nous prîmes le parti de fuir, non sans un dernier baiser lancé à ma douce, après quoi nous nous éclipsâmes sans nous retourner. Je pense que j’ai fait forte impression ce soir, et que la cause est entendue. J’épouserai cette dame. »

Un long silence suivit cette dernière affirmation, un silence plus amusé qu’impressionné. Chacun d’entre nous était en train de chercher comment lui annoncer, de la manière la plus humiliante possible, que la personne pour laquelle il s’était donné tant de mal et avait pris tant de risques ne pouvait tout simplement en aucun cas être la brune princesse Nadia.


[1] Szyl : Grand Dragon du Vent. Il aime : les voyages. Il n’aime pas : s’ennuyer, Kalimsshar. Il dirige : les voyageurs.

[2] Khy : Grand Dragon des Cités. Il aime : l’humanité, les jeux de mots sur son nom. Il n’aime pas : sa forme draconique, l’idée de génocide, et bizarrement il aime bien Kalimsshar. Il dirige : les commerçants.
[3] Ozyr : Grand Dragon de l’Eau. Elle aime : la solitude, le savoir. Elle n’aime pas : que d’autres sachent, les démarcheurs, Kalimsshar. Elle dirige : les érudits.

[4] Kezyr : Grand Dragon du Métal. Il aime : le travail bien fait. Il n’aime pas : les maladroits, les coups de marteau, Kalimsshar. Il dirige : les artisans.

4 commentaires:

Xebax a dit…

"Des yeux verts magnifiques, une longue chevelure brune, un visage doux et agréable…" ça rend tout de suite le personnage sympathique ! Tu n'essaierais pas de fausser notre jugement, par hasard ? (en tout cas, c'était sans doute le but du MJ à l'époque...)

Quoi qu'il en soit, j'aime beaucoup cette histoire. Vite ! la suite !

Neil a dit…

Merci Xebax, et j'ai bien reçu ton mail qui m'a beaucoup aidé : j'ai le plaisir d'informer les courageux lecteurs que les notes de bas de page fonctionnent, yoohoo !
Et pour ceux qui connaissent un peu la bande des rôlistes nantais, le grand jeu devrait consister à deviner qui joue qui.

SammyDay a dit…

Hé, tu sais quoi ? Les notes de bas de page fonctionnent mal : soit on est sur la page principale et elles renvoient sur les notes de la première partie elles renvoient, soit on est sur la page de la seconde partie et elles ne renvoient sur rien... Comment, je suis jamais content ?

Sinon continue comme ça (c'est pas si grave ces *** de notes), moi ça me plait bien. Matthias Enrico. Non mais franchement.

Neil a dit…

Ouais, j'ai vu... c'est pire qu'avant -_-!
Je n'ai pas trop le temps de m'y pencher là, mais le week-end prochain promis j'essaie de m'y mettre sérieusement.
Xebax, j'ai essayé ta technique mais ça a empiré les choses (j'en conclus que je l'ai mal fait).