Ex nihilo Neil

06 juillet 2011

Les Prétendants d'Elya (6)

Il se passe des trucs. Si, si, vraiment.


Le Tournoi

Les organisateurs de l’événement avaient vu les choses en grand. Un immense champ aux portes de la ville avait été dégagé et découpé en parcelles d’inégales surfaces, destinées à accueillir les forains, exposants et autres gens de marché. À une extrémité, une immense zone était consacrée à la joute chevaline qui devait voir s’affronter les meilleurs cavaliers de la région. Un peu à côté on trouvait les carrés dévolus aux combats à l’épée, séparés par des allées dans lesquelles les badauds pouvaient librement circuler. Pour les grands combats, à partir des huitièmes de finale, on ôterait les barrières et les petits carrés en formeraient ainsi un très grand, supposé laisser suffisamment d’espace aux guerriers pour donner la pleine mesure de leur talent sans risquer d’éventrer un spectateur au passage.

J’avais décrit les prétendants comme nombreux. Ils étaient légion. Tous les hommes du royaume en état de se battre et assez jeunes pour y croire étaient venus dans l’espoir de se faire remarquer. Pas forcément de la princesse du reste. Certains étaient impressionnants mais ne brillaient sans doute guère par leur sens tactique. D’autres, au contraire, semblaient de fins stratèges, ce qui leur sauverait peut-être la vie face à des adversaires de la carrure de Pelenor. D’autres enfin n’avaient que leur candeur pour les guider, et certains pervers pariaient déjà sur les os qu’ils se briseraient au cours des duels.
« Celui-là, à mon avis, il s’en sortira avec deux ou trois vertèbres en moins, décréta doctement Galaad en désignant le barde amoureux qui composait une sérénade sur son luth. Et très probablement avec son instrument autour du cou.
— Tenu, enchérit Pelenor. Moi, je parie sur les membres cassés. Trois sur quatre, je dirais.
— Vous n’avez rien de mieux à faire que de parier sur le malheur des autres ? demandai-je irrité.
— Tu as raison, nous nous perdons en de vaines discussions, convint Galaad.
— À la bonne heure.
— Pourquoi parier sur ces gens dont nous ne savons rien ? Ce troubadour a peut-être une arme secrète, nous prenons des risques inutiles. Parions sur un cheval que nous connaissons : où en est la cote de Vallach’ ?
— Voyons… fit Azyel en consultant un tableau noir près de la loge du mage arbitre. Pour l’instant, rien de terrible, les éliminatoires devraient le laisser en état de râler… Ah, au temps pour moi, il est dans la poule du comte de Falonie.
— Le comte est vieux… commença Aléthéïos.
— “Expérimenté et dans la force de l’âge” me semblerait plus approprié, rectifia le mage du feu. Je doute que notre courtisan fasse des étincelles.
— Ou alors au sens propre. Ses dents risquent de racler le pavé de près… », plaisanta le protecteur, au grand amusement des gens alentours.

Notre groupe s’était quelque peu agrandi pour l’occasion. Thallia nous accompagnait, promenant un regard mi-amusé, mi-ennuyé sur tout ce qui passait. J’essayais de la distraire en lui contant quelques aventures ou en expliquant certains détails amusants sur les créatures et plantes qu’exposaient les forains, mais elle ne semblait pas très intéressée. Ingrid et Sidney, les suivantes de la princesse, s’étaient jointes au groupe pour suivre les exploits de leur champion respectif. Je découvris ainsi que Sidney était également mage, quoique d’un assez bas niveau. Ses yeux brillaient de malice et d’intelligence, cependant elle ne semblait pas particulièrement éprise de Galaad, du moins pas autant que celui-ci ne l’espérait. Ingrid, pour sa part, était une âme simple qui semblait faite pour s’accorder avec Pelenor : elle riait à tous ses bons mots (qui n’allaient pourtant jamais chercher bien loin) et s’arrêtait à toutes les échoppes de robes ou de tissus. Dans un autre monde, elle eût fait une fort potable pom-pom-girl.

Vallach’ ne nous avait pas rejoints, car il devait « se concentrer sous sa tente ». Nous l’imaginions assez bien se ronger les ongles jusqu’au coude après avoir appris qu’il allait devoir affronter le comte de Falonie, réputé bon bretteur dans tout le pays et même un peu plus loin.
Les cors alizéens retentirent alors, lançant le tournoi. Les éliminatoires eurent lieu dans le plus complet désordre, cependant nous parvînmes à suivre ceux de nos amis. Pour des raisons de sécurité, et pour ne pas trop réduire la population des Marches d’un coup, il avait été décidé que les éliminatoires s’effectueraient à fleurets mouchetés, du moins l’équivalent local, un grand sabre de bois inoffensif mais suffisant pour assommer un adversaire en tapant très fort.
Pelenor fit grande impression en entrant sur le carré. Son adversaire, un grand gaillard avec un physique de bûcheron, la barbe en broussaille et des épaules d’armoire normande, semblait rien moins que motivé et brandissait son sabre en bois avec une visible envie de s’en servir. Pelenor ne s’arrêta pas une seconde de marcher : il avança vers son adversaire, le frappa de son arme d’un coup de taille si rapide que l’autre n’eût rien pu faire même s’il l’avait vu partir, l’envoya ainsi valdinguer à trois mètres avec quelques côtes cassées, fit demi-tour et ressortit tranquillement du carré sous les acclamations du public.
À côté de moi, Galaad vanta son ami à Ingrid, qui n’avait pas besoin de panégyrique pour trouver son champion extraordinaire.

Un peu plus tard, ce fut au tour du protecteur qui fit une entrée tout aussi spectaculaire (sa caste attirait toujours un profond respect). Son adversaire était un combattant d’assez belle allure qui, bien que peu à l’aise avec son bâton, avait l’air déterminé à l’emporter. Le duel commença et Galaad sembla très vite en difficulté. Non que ses capacités eussent pu être mises en doute. Le problème était que sa technique de base consistait à parer de son bouclier, puis à enchaîner en une riposte rapide et fatale. Or, ici, le combattant ne lui laissait jamais le temps de contre-attaquer. En effet, notre ami parvenait toujours à parer les coups de son adversaire, s’aidant de son bouclier ou de son bâton, mais le combattant, pas découragé pour si peu, poursuivait ses attaques sans relâche et surtout sans ménager la moindre ouverture. Le duel s’éternisait donc, sans qu’aucun des adversaires ne démérite, mais au net désavantage esthétique du protecteur qui donnait l’impression de se cacher derrière son bouclier en refusant le combat.
À mes côtés, Pelenor s’escrimait à gagner Sidney à la cause de son ami, expliquant qu’il « jouait tactique », et que « plus c’était long plus c’était bon », mais ce genre d’argumentaire trivial n’avait pas l’air d’impressionner la jeune femme.
Finalement, le combattant se lassa de ce petit jeu et décida d’en finir sur un coup d’éclat. Ce fut une erreur, car Galaad avait économisé ses forces et n’avait jamais relâché son attention. Alors que son adversaire levait son sabre de bois pour le frapper à la tête, Galaad leva son bouclier en parade éventuelle et frappa par en dessous, directement au foie du combattant. Celui-ci, aveuglé par le bouclier qu’il croyait venu là par pur réflexe, en eut le souffle coupé et tomba à genoux. Du moins il fût tombé à genoux si Galaad, dans un geste peut-être inutile mais esthétique et admirablement maîtrisé, n’avait exécuté un retourné horizontal en appuyant au sol l’extrémité de son bouclier et envoyé un violent coup de pied au plexus solaire de son adversaire (du moins était-ce le plexus qui se trouvait à ce niveau à ce moment-là, ce qui était à moitié un coup de chance, car même Galaad n’aurait pu parier là-dessus). Le combattant vola hors du carré pendant que Galaad se relevait indemne et souriant, adressant un clin d’œil à Sidney. Celle-ci fit mine de ne pas le voir, mais rougit quelque peu.

Vint le tour d’Azyel. Plus grand monde ne s’intéressait aux exploits de l’inquisiteur, qui s’était attiré toutes les inimitiés du groupe, cependant nous étions tous intrigués par la vision du mage se battant à l’épée. Il fallait reconnaître qu’il avait fière allure, les bracelets de sa caste brillaient à ses poignets, sa cape incandescente flottait derrière lui et il tenait son sabre de bois d’une manière tout à fait décente. Malheureusement pour lui, son adversaire était Raoul, un des compagnons d’armes de Pelenor, qui semblait taillé à même le granite d’une montagne. Et s’il était probable que le mage, grobill comme pas deux, avait soigneusement étayé ses caracs de combats et d’épéiste, le chevalier de son côté avait apparemment opté pour une logique plus simple : « tous les XP en FORce ». Le combat ne dura pas longtemps, Azyel fut proprement éjecté du terrain et embarqué en brancard vers les tentes de soins. Quand il passa près de nous, il murmurait de faibles « ‘culés… vais tous les pourrir… salauds d’humanos… », ce qui fit beaucoup rire tout le monde.

On annonça alors le duel Vallach’/comte de Falonie. Jusque là, notre petit marquis n’était tombé que sur des adversaires de peu d’importance et l’avait emporté sans trop de difficulté. Il faut dire que l’usage d’une arme légère, maniable et inoffensive le favorisait assez dans ce tournoi où se rencontraient plutôt les amateurs d’armes lourdes et bûcheronnesques.
Le comte de Falonie était un homme impressionnant. Non pas qu’il fût immense, mais il en imposait. On devinait en lui l’efficacité, le talent, l’intelligence et la force réunis. Il devait avoir dépassé la quarantaine, mais son corps semblait encore vif et musclé. Son visage carré, ses cheveux courts et sa barbe soigneusement taillée ne cachaient pas un regard creusé par les rides mais à la détermination intacte, à travers des yeux d’un bleu d’azur. Il tenait son arme d’une main sûre et c’est sans trembler qu’il s’avança vers Vallach’ sitôt que le signal fut lancé. Sa première attaque était étudiée pour terrasser directement son adversaire, et le marquis de Veyne ne dut son salut qu’à un faux pas qui le fit passer à quelques centimètres de la lame de bois. Redressant immédiatement son arme, Vallach’ réussit à parer le coup suivant, qui ne s’était pas fait attendre, et recula cahin-caha. Le comte s’était immédiatement remis en garde, craignant une riposte sournoise. Il ne voulait manifestement pas prendre de risque inutile et pensait sans doute que l’esquive de Vallach’ faisait partie d’une technique étudiée. Comme la riposte ne venait pas (Vallach’ était plutôt occupé à chercher un moyen de déclarer forfait sans trop s’humilier), Falonie repartit à l’attaque. Là encore, le marquis s’en sortit par miracle, parant le coup de taille avec son bâton et déviant l’estoc suivant, qui arracha malgré tout une partie de son pourpoint rouge. Le courtisan sembla alors se reprendre et échangea quelques coups avec son adversaire, sans grande conviction toutefois : la supériorité du comte était évidente à tout familier du métier des armes.
Et soudain, le miracle. Falonie, désireux de mettre un point final au combat, lança une attaque fulgurante vers la tête de Vallach’. Juste à ce moment, un éclair jaillit de la poitrine du marquis. Pas grand-chose, juste un flash. Nous apprîmes par la suite que le soleil s’était reflété sur la médaille de l’Ordre du mérite de Veynes, que Vallach’ arborait en permanence sur son pourpoint (on se demandait d’ailleurs d’où il en tirait la moindre fierté, cette récompense étant héréditaire dans la dynastie des Veynes et n’ayant depuis bien des générations plus rien de méritoire). Toujours est-il que Falonie fut aveuglé pendant un dixième de seconde, que Vallach’ voulut mettre à profit pour placer sa botte secrète. S’emmêler les pieds était sans doute une manœuvre de diversion faisant partie de ladite botte, car le faisan trébucha et lança maladroitement l’extrémité de son sabre vers le haut alors que sa main gauche faisait des moulinets pour se reprendre, ajoutant à la confusion. De loin, la manœuvre pouvait passer pour une technique secrète particulièrement subtile. Le résultat, en tout cas, fut au-delà de toute espérance : le comte de Falonie, touché au menton, fut assommé sur le coup. Il resta un temps debout, la tête penchée en arrière, et finit par s’écrouler sur le dos, soulevant un nuage de poussière.
La foule demeura coite un moment, puis explosa en un tonnerre d’applaudissements pour celui qui leur avait réservé un si magnifique spectacle. Notre groupe bondit sur le carré et alla embrasser son courtisan préféré, pour qui mine de rien nous avions tremblé tout le duel durant. Juché sur les épaules de Pelenor, et par là même dominant le champ, un Vallach’ en sueur arborait un sourire incrédule, puis se reprit vite et recueillit comme il se devait les acclamations de la foule. On l’entendait de temps en temps murmurer des « pfff, trop facile ! À qui le tour ? », mais il prenait garde à ce que nous soyons les seuls à les remarquer.

Le combat de Vallach’ sonnait la fin des éliminatoires, et les huitièmes de finale ne commenceraient qu’après le tournoi de chevalerie, au cours duquel Pelenor comptait bien s’illustrer. Laissant notre ami s’échauffer (il allait notamment devoir affronter ses compagnons chevaliers, ce qui l’inquiétait fort), Aléthéïos, Thallia et moi allâmes de par le marché observer les animaux exposés par les forains. Il y avait là diverses créatures plus ou moins exotiques, notamment trois ours des montagnes assez impressionnants, que leur maître tenait d’une main sûre, quelques potames dressés à faire le beau (prouesse assez stupéfiante si l’on passe outre le côté ridicule), un snenyr, étrange bestiole à mi-chemin entre le rhinocéros (pour l’apparence) et la méduse (pour l’intellect), pourvu d’une sorte de « deuxième tête » au niveau de l’arrière-train (en fait un cartilage imitant l’extrémité cornue de la bête et destiné à tromper les adversaires) et doté de la curieuse capacité d’apitoyer ses ennemis en les regardant de ses grands yeux tristes. Il y avait aussi un montreur de skaërd, sorte de félin des plaines aux dents longues comme des poignards, qui semblait pour l’heure rassasié puisqu’il dormait paisiblement dans sa cage. Les gens évitaient malgré tout soigneusement de marcher sur la longue queue qui dépassait d’entre les barreaux.
Malgré les apparences, les jeunes mages et moi ne faisions pas que du tourisme : nous recherchions des traces de cette étrange magie que nous avions repérée aux alentours du bateau. Aléthéïos avait affirmé que l’île de la Cité de la Magie approchait des côtes, cela pouvait signifier bien des troubles au niveau des phénomènes magiques dans les environs, mais la présence de cette espèce de nouvelle sphère nous intriguait et nous inquiétait. Thallia semblait assez indifférente cependant et, comme nous approchions du temple d’Heyra situé non loin de là, elle s’arrêta auprès d’un marchand de friandises.
« Je suis heureux de voir que vous gardez la tête froide, fis-je à Aléthéïos pendant que sa collègue achetait un stock de gourmandises locales.
— Oh, nous finirons bien par trouver la solution à cette énigme. Il n’est de porte fermée qui n’ait sa clé quelque part.
— Tu es décidemment très philosophe. Peut-être pourrons-nous obtenir davantage de renseignements ce soir, au bal donné à l’issue du tournoi…
— La plupart d’entre nous y serons en effet, mais je ne compte pas m’y rendre. J’aimerais tenter de repérer R ; s’il est dans la ville et qu’il lui arrive de dormir, ses rêves devraient… »
Le mage s’était soudain interrompu alors que nous arrivions en vue du temple. Devant celui-ci se tenaient trois prodiges, dont l’un, manifestement un grand ponte, était d’une sorte que je n’avais jamais rencontrée. De la taille de Pelenor et au moins aussi musclé, il tenait un shaaduk’t terminé non par un léger renflement faisant contrepoids, comme le voulait la tradition, mais par une masse énorme, probablement capable de briser le crâne d’un pétaure adulte. À sa vue, Aléthéïos blêmit. Même face à Gorak le Borgne, je ne l’avais jamais vu dans cet état.
« Je… Je viens de me souvenir que je devais… faire des trucs…
— Comment ? Quoi donc ? m’enquis-je.
— Oh, rien, restaurer les points de magie, préparer des sorts, tu sais, des trucs de mage quoi ! On se revoit plus tard. »
Et il s’éclipsa très rapidement. Thallia revint vers moi sans s’enquérir de ce qu’était devenu son compagnon, ce que je trouvai encourageant. Nous nous avançâmes vers le trio de prodiges et je m’inclinai humblement devant le plus grand.
Son escorte était composée de deux jeunes, un garçon et une fille, qui écoutaient et exécutaient scrupuleusement les moindres ordres de leur supérieur. Par ailleurs, une étrange créature à fourrure bleutée passait d’une épaule à l’autre du géant, poussant régulièrement de petits « Drü ! ». Je reconnus précisément un drü, bestiole magique qui, si elle lui était suffisamment attachée, conférait à son porteur d’étranges dons de double vue. Celui-ci semblait plus qu’apprivoisé.
Le grand prodige était couvert de cicatrices, dont la plus impressionnante était sans doute celle qui barrant son œil gauche. Juste après venaient les deux gigantesques griffures qui labouraient son flanc droit, et dont aucun soin magique n’effacerait jamais la trace. Le reste du corps du géant était parsemé de sutures diverses qui le classaient définitivement dans la catégorie des gros bourrins de sa mère.
« Tu es Fagus, le prodige chargé de l’enquête sur le peuple Faë et les trouble actuels dans la forêt ? demanda-t-il d’une voix ferme et rocailleuse.
— Euh… Oui. Vous êtes les renforts promis par Teneth ? demandai-je en désignant le trio.
— Non. Eux, ce sont mes élèves. Je suis les renforts. Je m’appelle Mercutio.
— Ah… Très bien. Je suppose qu’on vous a mis au courant pour…
— La larve ? Oui, c’est fait. »
Mercutio ne semblait pas du genre bavard, il attendait que je parle. Je me mis donc en devoir de lui expliquer les tenants de l’affaire, à défaut des aboutissants.
« Très bien. Il faut retrouver la reine des Faës, mais avant toute chose arrêter la larve. La pleine lune approche.
— Vous avez une idée pour l’arrêter ? »
Un sourire barra son visage l’espace d’un instant et son œil unique brilla alors qu’il me fixait.
« Oui, j’ai une idée. »
Il me conseilla alors de ne pas m’inquiéter, m’affirmant que la cité s’en sortirait sans mal, et il m’informa de sa volonté de partir dès que possible pour la forêt afin de « s’entretenir avec la créature ».
Puis son œil se tourna vers Thallia, qui traînait non loin, observant le skaërd qui ronflait de plus belle. Il me demanda de qui il s’agissait.
« C’est l’assistante d’un ami mage des rêves. Vous la connaissez ?
— Non. Sans doute pas. »
Il me salua et partit en direction de la porte ouest de la ville, flanqué de ses deux élèves, non sans jeter un dernier coup d’œil inquisiteur à Thallia. Comme je la rejoignais, je lui demandai si elle connaissait ce prodige.
« J’en ai croisé quelques-uns dans ma vie, mais je n’aurais sans doute pas oublié cette montagne. Un ami à vous ?
— Pas vraiment. Mais il semble fort capable.
— Mmh. Une cacahouète ? » me proposa-t-elle avec un sourire.

Nous retournâmes vers les champs où avaient lieu les joutes, juste à temps pour voir Pelenor porter le coup final à son adversaire, l’un de ses compagnons que je connaissais sous le prénom d’Albert. Il remporta ainsi l’épreuve et dédia sa victoire à Ingrid, qui semblait émue aux larmes. Les cors annoncèrent alors le début des huitièmes de finale, dont l’organisation avait été affichée.
Le premier combat fut extrêmement rapide. Le barde amoureux, arrivé Heyra sait comment en huitième de finale (trois des opposants avaient dû déclarer forfait, victimes d’un cuisinier indélicat qui avait cru bon de servir des huîtres au plus grand mépris de la règle des mois en r, et un autre était un gamin du désert dont l’incompétence aux armes n’avait d’égale que la cécité), affrontait le champion d’Ircadie, Cranor. Le duel dura une dizaine de secondes, dont le barde passa la majeure partie en l’air. Il y eut finalement deux vainqueurs : le guerrier, et Azyel qui avait parié sur trois côtes cassées et une commotion cérébrale. Il n’était malheureusement lui-même plus en état de se flatter de son intuition. Quant au barde, il était finalement chanceux de s’en sortir aussi bien, la présence d’esprit de Cranor (qui ne semblait pourtant pas la caractéristique première du barbare) lui ayant fait utiliser le plat de la lame.
Le duel suivant devait voir s’affronter Galaad et Raoul, un des amis de Pelenor. A priori le protecteur n’était pas avantagé : le chevalier mesurait une tête de plus que lui et, en armure complète, brandissant son épée à deux mains d’une seule main, il ressemblait à une sorte de gigantesque crustacé de la catégorie « briseur de noix de coco ». À peine le signal fut-il lancé que les adversaires foncèrent au corps à corps. Raoul asséna de haut en bas un coup capable de fendre un bloc de marbre mais Galaad, usant de sa tactique favorite, para le coup de son bouclier et riposta dans la foulée. Son coup, bien que plus faible (il n’aurait sans doute fendu qu’un bloc de calcaire), était mieux ajusté et Raoul alla bouler à terre pour ne plus se relever. Comme les brancardiers l’embarquaient, le protecteur reçut les acclamations avec une humilité feinte, un grand sourire sur les lèvres, découvrant au public une dentition Aquafresh. Cette fois, Sidney était réellement enthousiasmée et Pelenor n’eut pas besoin de flatter plus avant son ami pour l’acquérir à sa cause.
André, un autre chevalier, affrontait le duc d’Olanie. Le jeune prétendant, dont la ville vantait les mérites et la bonté et devant lequel toutes les filles semblaient se pâmer, était un grand homme blond comme les blés, au regard bleu gris et curieusement triste. Quand il entra sur le carré, ce furent les hurlements féminins qui l’emportèrent. Ses yeux mélancoliques se promenèrent avec tendresse sur la foule et il tendit la main au public tout entier, comme un grand frère salue son cadet admiratif.
« Pff, poseur ! » s’exclama Vallach’, inquiet néanmoins puisqu’il risquait de se fader le poseur en question (enfin, dans l’hypothèse très ambitieuse où il vaincrait Pelenor en combat singulier).
Le duel fut magnifique, tout en technique et en force. Une véritable danse entre deux combattants expérimentés, un régal pour les yeux des gens d’armes. Au bout de quatre passes magistrales, André fit une erreur, invisible pour le commun, dont Olanie se saisit sans attendre. Il étala finalement le chevalier qui déclara forfait. Le duc releva son adversaire et une accolade virile solda le combat. Pelenor nous expliqua plus tard qu’André n’avait aucune intention d’épouser la princesse et qu’Olanie méritait vraiment la victoire, aussi avait-il préféré briser là avant que de se faire mal. Si quelqu’un dans la foule pensa qu’André se comportait en lopette, personne n’en fit état à haute voix.
Vallach’ entra sur le carré sous les acclamations. Tout ce que le public comptait de freluquets (et il y en avait quantité) se reconnaissait dans cet étrange prétendant à la chance insolente qui ridiculisait les plus grands guerriers du royaume. Il s’attira de plus une certaine considération en ne montrant aucune crainte quand Pelenor entra à son tour sur le terrain. Et un silence de mort s’installa alors qu’il lançait ces paroles qui devaient rester célèbres pendant maintes années :
« Sire Pelenor du Corbeau de Fer, je sais que je vous ai accordé ma protection il y a de cela quelque temps, mais je me vois contraint de revenir sur ma parole. Puissent les Grands Dragons me pardonner cet écart, qui ne m’est point inspiré par quelque vilenie mais bien par une juste cause. Seul l’amour absolu dont mon cœur brûle puit excuser pareil parjure, j’espère que vous comprendrez et ne m’en tiendrez pas rigueur. Sachez que quel que soit le résultat de ce duel, les portes des Marches alizées vous resteront toujours ouvertes, et que vous y serez toujours traité en ami de la Couronne. »
Le public, estomaqué, et nous-même restâmes bouche bée face à cette harangue. Seuls Thallia et Aléthéïos, qui avait reparu aussi mystérieusement qu’il s’était éclipsé, souriaient. Pelenor, lui, semblait se demander comment laisser quelque chose du singulier volatile qui le conjurait de lui pardonner la rouste qu’il allait lui infliger. Et il était bien embêté.
Le combat commença et Pelenor semblait s’être décidé pour une attaque pépère, histoire de ne pas démembrer celui qui était devenu son ami. Cependant il fut surpris de constater que Vallach’ esquivait assez facilement ses coups. Le chevalier, lesté de quelques dizaines de kilos d’armure, avait bien du mal à surprendre le courtisan en pourpoint, dont les mouvements vifs étaient beaucoup plus sûrs qu’ils ne l’avaient été face à Falonie. Vallach’, en terrain de connaissance, enchaînait des coups de rapière qui portaient quasiment à chaque fois, ne faisant qu’égratigner la carapace du combattant géant. Pourtant, il avait fière allure et ce n’est que par une botte de désarmement que Pelenor put lui faire lâcher son épée. Comme la lame allait se planter à quelques pas de là, le courtisan reconnut sa défaite en ces termes, restés tout aussi célèbres :
« Tu es un fier guerrier, ton habileté n’a d’égale que ta force. N’aie point de crainte, ce n’est pas un échec qui me donnera mauvaise impression de toi, j’en tirerai les leçons qui s’imposent. J’aurai besoin d’hommes tels que toi, tu pourras diriger mes armées quand je serai roi. Car la princesse n’est point dupe de ces joutes et chacun sait que l’habileté au combat n’est qu’une part de la grandeur d’un homme. J’ai plus que fait mes preuves en ce domaine, j’abandonne donc là. Va, poursuis ton chemin et vaincs sans peur, que Fagus chante sur les routes que Vallach’, marquis de Veynes, fut vaincu par le vainqueur. »
Et sur une rime, quitta la scène.

Le tabac que fit ce combat fut tel que les demi-finales passèrent presque inaperçues. C’était fort dommage, car le combat entre Cranor et Galaad eût été digne d’éloges non moins grandioses.
Le protecteur arriva sur le carré, encore un peu auréolé de la gloire qu’il avait pu acquérir jusque-là, face au champion d’Ircadie, massif et farouche, son épée bâtarde en main. Les rumeurs couraient comme quoi Cranor était en fait un ancien esclave, évadé des mines de sel ircadiennes. Il avait paraît-il chevauché à travers les steppes de ce comté aux côtés d’une bande de pillards qu’il menait d’une main de fer dans un gant de bronze, et sa force de caractère avait finalement amené le comte d’Ircadie à le convoquer poliment et à en faire un de ses proches. Il n’était pas, contrairement à ce que son apparence pouvait laisser penser, une brute sans cervelle, mais un être retors et intelligent, à la volonté farouche et sauvage. Son corps avait été forgé et poli par la vie au grand air et les combats, et il était évident que son adresse à l’épée n’était pas une légende.
Galaad lui-même n’était pas exactement un débutant. Azyel, qui allait mieux et était revenu en boitillant, nous expliqua que le protecteur avait plus que fait ses preuves dans son académie et que son allégeance aux Grands Dragons n’avait d’égale que la subtilité de son jeu d’épée. Il maîtrisait douze bottes secrètes, dont il avait personnellement créé la moitié, et avait toujours un atout dans sa manche. N’était sa passion un peu triviale pour les rondeurs féminines, il serait l’incarnation parfaite de la caste des protecteurs, digne successeur du grand Arathorn. Le mage du feu fut interrompu par la toux d’Aléthéïos, que l’anecdote semblait beaucoup amuser. Le combat allait commencer.
Comme s’y attendaient ceux qui savent ce qu’est réellement un duel, celui-ci dura moins de cinq secondes. Les mouvements des deux combattants s’enchaînèrent avec une perfection et une précision draconique. Sans doute l’issue fut-elle décidée dès le premier geste, la première posture, tant un demi-millimètre semblait susceptible de décider du vainqueur. Toujours est-il que les duellistes, après un échange d’une rapidité incroyable, se retrouvèrent immobiles dos à dos, encore en position, chacun tenant son arme. Quelques secondes supplémentaires s’écoulèrent, et finalement Cranor tomba à genoux et s’effondra la face dans la poussière. Galaad se retourna alors, dévoilant un visage trempe de sueur et une fine estafilade sur la joue gauche. Il souriait malgré tout, fier comme Artaban, et la foule lui consacra l’ovation qu’il méritait.
C’était finalement Pelenor qui allait affronter Olanie en demi-finale. Le jeune guerrier, bien que solidement bâti, n’était pas très imposant face à la masse du chevalier, mais il avait déjà montré à quel point il ne fallait pas le sous-estimer. Vallach’, à mes côtés, m’exhortait à bien observer le combat afin de détecter tout geste suspect chez Olanie. Il est vrai que l’apparente perfection du personnage était chose surprenante, et je n’eusse pas été autrement étonné qu’il fît usage de magie ou de quelque tricherie pendant la lutte.
Mais le combat fut exemplaire. Là encore, une démonstration martiale de toute beauté, au long de trois minutes intenses où la plupart des spectateurs retinrent leur respiration. Les échanges furent nombreux et millimétrés, mais ce fut finalement Pelenor qui l’emporta, mettant son adversaire à terre avec une sale blessure au poignet. Nombre de jeunes femmes pleurèrent la défaite de leur idole, mais le jeune comte se releva et salua respectueusement le chevalier, reconnaissant sa défaite, et partit se faire soigner par les mages de sa suite.
Les mages arbitres le freinèrent cependant dans son élan, afin de vérifier quelque chose.
« J’en étais sûr, je le savais, fit à mes côtés un Vallach’ en grande forme. Il a dû utiliser un sort, genre Eupéau ou Pobelj, pour augmenter sa force ! Quel immonde personnage, quelle honte, quel… Qu’est-ce qu’ils font ?
— Je crois qu’ils le laissent partir. Un des mages a dû avoir un doute, infondé apparemment. Ce type a vraiment la classe : tu as vu comme il a souri aux juges, s’est laissé examiner, puis est reparti avec un salut ?
— Et gnagnagna et gnagnagna… »

Vallach’, de nouveau dégoûté, partit se perdre dans le marché, talonné par Azyel qui n’avait lui-même pas la grande forme, et qui se demandait comment il avait pu perdre aussi radicalement alors qu’il avait fait un critique à 5 + 3 réussites en dé bleu. Galaad comptait récolter les lauriers de sa gloire avec Sidney et semblait penser qu’une balade dans la verte campagne serait plus idoine à ses projets qu’une visite du marché aux bestiaux. Aléthéïos avait de nouveau disparu mais Thallia était toujours là et je lui proposai de retourner vers le centre, suivant ainsi un Pelenor au bras d’une Ingrid aux anges.
Alors que nous approchions de la place des montreurs d’animaux, nous entendîmes des hurlements et nous précipitâmes. Les créatures étaient très nerveuses. Les ours ne tenaient plus en place et le dresseur essayait vainement de les rentrer dans leur cage, alors que le snenyr commençait à bouger en tous sens, menaçant à tous moments d’écraser un passant. Plus loin, le skaërd qui avait été sorti de sa cage tirait sur sa chaîne et tentait de dévorer tout ce qui passait à sa portée, générant une petite panique dans la foule. Je la sentis alors : une vague de haine, de folie furieuse en provenance de la forêt, une frustration immense qui se propageait à tous les êtres liés à la nature. Les bois étaient en manque.
Tout se déclencha très vite : on eût dit que tous les piquets cédaient en même temps. Je me précipitai vers les ours pour les calmer pendant que Pelenor approchait du snenyr qui cahotait indistinctement. Levant les bras, j’implorai mentalement les grandes créatures d’apaiser leur courroux, mais elles ne semblaient pas enclines à la négociation. Les trois ours me regardaient étrangement, comme un brigand de grand chemin armé regarde un voyageur lui demander l’heure, et je compris que je n’arriverais à rien avec eux.
« Pelenor !
— Oui ?
— On échange ! »
Le chevalier prit donc ma place face aux plantigrades furieux, alors que je me préparais à affronter le pire animal de la Création.

J’avais déjà évoqué le physique peu avenant du snenyr, y compris sa curieuse « deuxième tête » sur l’arrière-train. J’avais cependant omis un détail physiologique intéressant, afin de ne point trop user la patience de Thallia : le snenyr, reptile le plus stupide jamais répertorié[1], a sept cerveaux. Ce qui pourrait être un avantage constitue en fait un handicap inhabituel, car les sept encéphales sont totalement indépendants et se relaient aléatoirement dans la direction des affaires internes du corps. De fait, selon le cerveau qui le contrôle sur le moment, le snenyr n’ira pas dans la même direction, à la même vitesse, ni dans le même but. Il en ressort une espèce de démarche chaloupée et indécise, à mi-chemin entre la charge du rhinocéros et la marche de deux hommes au bord des quais après un soir de grande beuverie, quand le soutien que l’un apporte à l’autre ne fait qu’additionner les instabilités de chacun[2].
La masse énorme de la créature semblait néanmoins déterminée à courir, peu importait la direction, et je savais que d’une manière ou d’une autre elle allait finir par faire du dégât. Je cherchais donc un moyen de la vaincre sans la tuer, car la malheureuse bête n’était pas responsable de ce qui lui arrivait, et sans la regarder dans les yeux, car sa technique d’apitoiement était réellement redoutable. Je finis par opter pour lui briser deux pattes du même côté, ce qui devait logiquement l’empêcher de bouger autrement qu’en rond.
Comme je m’activais à donner de grands coups de shaaduk’t sur la patte avant droite, en faisant garde d’éviter la charge désordonnée du quadrupède, je vis du coin de l’œil que Thallia s’était élancée vers le skaërd qui avait brisé sa chaîne. Je l’espérai de taille à se sortir de ce pétrin, car je ne pouvais me permettre de laisser mon bestiau seul. Au bout de deux ou trois coups de masse, la cheville de l’animal accusait un angle bizarre avec le reste du membre. Le snenyr, toutefois, ne s’arrêtait pas pour autant, trop stupide pour en même temps et charger, et ressentir la douleur d’une patte cassée. Comme il repartait vers le mur, dans une direction où plus personne ne se trouvait, je détournai le regard vers Pelenor.
Celui-ci, après avoir envisagé un temps de forcer les ours à rentrer dans leur cage, avait fini par opter pour une alternative plus dans sa nature et avait défouraillé son épée à deux mains. Les malheureux plantigrades n’avaient pas eu l’ombre d’une chance, le troisième était mort à peine une seconde après le premier, décapité proprement. Les explications avec le propriétaire s’annonçaient houleuses, d’autant que Pelenor comprenait mal pourquoi « il lui en voulait alors qu’il avait fait exactement ce qu’il fallait. »
Je revins à mon snenyr et commis la bourde de l’année. Le pachyderme s’était retourné vers moi et je venais de plonger mon regard droit dans le sien. Ses grands yeux humides déversèrent aussitôt leur pouvoir délétère sur mon esprit et je sombrai dans une profonde dépression. Les larmes coulaient par flots de mes yeux et j’hurlai à la mort, tant et si bien que Pelenor se retourna et bondit à ma rescousse. D’un coup d’épée, il estropia la patte arrière de la bête qui s’écroula stupidement sur le côté, se demandant probablement (si elle avait trouvé avec quelle tête penser) pourquoi le sol était tout d’un coup devenu vertical.
Mes sens furent troublés à la suite de cette déplorable aventure et je ne me remis que quelques heures plus tard, au temple d’Heyra où on m’avait conduit. Plus tard, Vallach’ m’expliqua que je m’étais mis à hurler, en larmes, contre Pelenor qui avait « fait du mal à la pauvre bêêêêêête ! » Olanie avait surgi de son côté et ligoté solidement le skaërd, que Thallia semblait de toutes façons maîtriser sans trop de mal grâce à ses sortilèges du rêve. Pelenor, lui aussi, avait été atteint par les pouvoirs du snenyr, mais il n’avait pris qu’une faible dose et seule une larme coulait sur sa joue quand Ingrid le prit dans ses bras pour le consoler, le traitant de « grand sensible, c’est si rare chez les hommes. » Galaad rajouta perfidement, lors du récit que l’on me fit de la scène, que Thallia avait émis quelques remarques peu flatteuses quant à ma conduite. Elle n’avait apparemment été que peu impressionnée par mes prouesses, qui à ses yeux s’étaient limitées à fondre en larmes devant un potame mal fichu et estropié.


[1] Et non pas « animal le plus stupide », puisqu’il est battu à plate couture par le pigeon et la poule.

[2] Pour ceux qui s’étonneraient qu’une pareille créature ait pu survivre au long de l’évolution, au mépris des plus élémentaires lois darwiniennes, j’ajouterai à cette liste de défauts une saveur organoleptique à mi-chemin entre le chacal crevé et le vieux pneu bouilli. Les campagnes menées dans le but d’éliminer cette vermine cahotante de nos campagnes se sont toutes soldées par des échecs peu retentissants, les exterminateurs étant la plupart du temps rentrés chez eux en pleurs, se fustigeant d’avoir failli « faire du mal à de si gentilles petites bêtes ».

1 commentaire:

SammyDay a dit…

La finale, la finale !