Ex nihilo Neil

09 juillet 2014

L'agent Orange


Jeudi soir, j’ai découvert que mon chargeur de portable ne fonctionnait plus. Je me suis débrouillé vendredi en empruntant celui d’un collègue, et samedi matin à la première heure je m’en suis allé tout joyeux à la « boutique Orange », content de constater que, contre toute attente, elle sert à quelque chose.

Attendez, je vais trop vite. Mes plus jeunes lecteurs ne comprendront sans doute pas bien.
Voyez-vous, j’ai grandi en des temps reculés où nous n’avions pas de « téléphones portables ». J’avais dans les vingt ans quand ces « boutiques de téléphonie » aux jolies couleurs ont commencé à fleurir un peu partout dans les rues des grandes et moins grandes villes. Et je me souviens à l’époque m’être fortement questionné sur l’utilité de la chose.

Il faut savoir que durant « l’âge sombre », quand on avait un téléphone, un avait le téléphone. À la rigueur on disposait de deux appareils, mais globalement, on ne changeait pour ainsi dire jamais d’ustensile de sa vie. Ces vieux machins en bakélite étaient indestructibles, sauf à les balancer sauvagement contre un mur.

Sérieux, vous pouviez tuer un chat avec ce truc, et il marchait encore.
Le téléphone, hein... pas le chat.
 
Quand les portables ont commencé à apparaître, et à l’instar de nombre de mes concitoyens, je ne réalisais pas bien ce qui était en train de se passer. On allait juste pouvoir se contacter de plus loin. Cool. Mais pourquoi diable avait-on besoin de trois boutiques de téléphonie dans la grand-rue de Marmande, en Lot-et-Garonne ? Ils n’espéraient quand même pas qu’on change de téléphone tous les deux mois ?

Bien sûr je n’avais rien compris à la révolution qui s’amorçait. Les mobiles, comme vous le savez, ne sont plus appelés « téléphones » que par nostalgie d’un temps instantanément révolu où ils ne servaient qu’à s’appeler. Ils sont devenus l’outil du futur, l’indispensable dispositif grâce auquel on peut désormais tout faire. Ils ont remplacé les carnets de notes, remplacé les livres, remplacé les consoles de jeu portables, remplacé les Walkman, remplacé la télévision, remplacé les appareils photo, bientôt ils auront  remplacé les cartes de paiement, les clés de voiture, les télécommandes, les cartes d’identité et tout ce qui peut de près ou de loin se dématérialiser. Pourquoi pas ? C’est le futur qu’on nous vend dans toutes les œuvres de science-fiction, je n’ai rien contre.

Reste que nous sommes dans une période de transition, les portables commencent juste à révéler leur incroyable potentiel, du coup ils changent sans arrêt. Il nous faut donc nous rééquiper régulièrement. Ça c’est pour l’argument technologique. Il y a évidemment tout un stock d’arguments marketing qui soutient tout ça, obsolescence programmée, tous ces vilains mots, mais je passerai là-dessus, je n’ai pas envie d’être grossier dans ce billet d’humeur.

Mon phone. Enfin, un comme ça.
J'ai mis une image cool dessus, parce que sinon c'est juste un phone.
Aucun intérêt, quoi !
 
Tout cela nous emmène à samedi matin, 10 heures, devant la boutique Orange du centre commercial de la Vache Noire, à Arcueil. Aucun client, comme prévu, les casse-pieds cuvent encore la défaite de la France contre l’Allemagne de la veille. Je m’avance donc confiant et explique mon cas :
« J’ai acheté ce téléphone ici même il y a six mois, or le chargeur ne fonctionne plus. Il est encore sous garantie, j’ai apporté la facture, pouvez-vous me le remplacer je vous prie ?
        Euh… non.
        Plaît-il ?
        Ben non.
        Vous êtes en rade de chargeurs ? J’en vois plein dans vos rayons. Et un ami m’affirmait hier encore qu’ils étaient désormais universels, donc je ne vois pas bien le problème.
        En fait si vous voulez faire jouer la garantie, il faut que vous appeliez Orange directement, et ils vous enverront un chargeur.
        Beuh… ? Mais… attendez, si j’appelle Orange, et que je les ai, et qu’ils acceptent de m’écouter, et qu’ils prennent mon dossier en charge, et qu’ils décident d’agréer à ma demande et de m’envoyer un chargeur, je l’aurai au mieux… mardi ? En admettant que le facteur arrive à faire entrer le chargeur dans ma boîte aux lettres, voire à le confier aux bons soins de ma gardienne – ce qu’il ne fait jamais, va savoir pourquoi !
        C’est vraisemblable.
        Alors que si vous me passiez un chargeur, là, tout de suite, le problème serait réglé.
        En effet.
        J’ajoute que mon téléphone est un Galaxy S4 Mini, et que ces saloperies nouvelle génération ont certes plein d’options sympas mais se déchargent plus vite qu’un fût de bière dans un bar basque. D’ici mardi, mon phone nécessitera au moins trois recharges !
        Tout à fait.
        Je vais crier, je vous préviens.
        Allez-y. »
À quoi sers-tu, mystérieux temple voué aux néodieux ?
 
Bon, là j’ai râlé pour la forme, puisque je sais bien que le pauvre factionnaire n’y est pour rien. Qu’au moins il fasse remonter l’information, sait-on jamais, un génie de l’audit interne de chez Orange pourrait peut-être discerner la faille dans cette merveilleuse organisation.
En attendant, ça ne répond pas à ma question : à quoi elles servent, ces putains de boutiques ? Et pourquoi sont-elles toujours pleines ?

2 commentaires:

SammyDay a dit…

Elles servent à faire de la vente. Le S.A.V., ça fait rien gagner, et de toute façon il y a tellement peu d'opérateurs sur le marché, que c'est pas la peine de se casser le cul à les fidéliser : ils reviendront.

SammyDay

Oud a dit…

Sammy a raison. La boutique est la pour vendre. Pour le SAV, il faut appeler un numéro où ce sont des employés pas chers qui répondent et traitent ton problème. Dans le service informatique de ma boîte, si tu as un problème sur ton pc, tu appelles un numéro: c'est un polonais qui répond et essaie de résoudre ton problème. Si jamais il faut une intervention physique, il te file un "ticket" avec lequel il faut descendre au rez-de chaussée de mon bâtiment, au service informatique. Sans ton laisser passer, ceux du rez-de chaussé ne te reçoivent même pas . Conclusion => tout le monde pense qu'ils ne servent à rien....