Ex nihilo Neil

10 octobre 2014

Le retour d'Achille



Je suis tombé sans trop faire exprès sur cette BD lors d'une de mes désormais rares visites en boutique spécialisée (je lis plus trop en ce moment, ça reviendra sans doute). Je suis un grand fan de l’œuvre de Greg, et plus particulièrement d’Achille Talon*, et j’adore Fabcaro, j’ai donc acheté les yeux fermés.

J’ai eu tort, et j’en suis bien triste.

Je suis triste car à la lecture, j’ai la terrible impression que Fabcaro n’a pas compris ce qui était drôle dans Achille Talon. Bien sûr, Greg était connu pour ses dialogues au kilomètre, mais, et je dois insister sur ce point qui me semble mal compris, l’humour dans Achille Talon ne repose pas sur le fait que les protagonistes parlent beaucoup. Ni sur le fait qu’ils soient polis. Bien sûr ça y participe, mais le gag lui-même ne repose jamais sur le fait que le dialogue est long et ampoulé. Pour la bonne raison que tout le monde, dans les BD de Greg, parle beaucoup et savamment, il n'y a donc pas de décalage propice au gag de ce côté-là (sur le ton : 
« Goûtez-vous, mon avis, la suavité de cet air vespéral ? Le sublime ne le dispute-t-il pas à l'absurdement magique ? - Ouais, classe. ») Greg construisait de vrais gags, la prolixité des personnages n’était qu’un habillage original, jamais le moteur de l’humour.

Ici, Fabcaro construit la plupart de ses historiettes sur un principe unique : Talon parle beaucoup et est très courtois, le reste du monde, non. Ça revient à penser que l’humour d’Astérix consiste en tout et pour tout à mettre « -ix » à la fin de tous les noms propres. L’auteur suit un fil rouge simple, consistant à confronter Talon au monde moderne (portables, Internet, fast-food…), mais tombe assez vite dans la répétition : Talon découvre un concept (le SMS, le mail…), en fait des caisses sur le mode « oh là là que c’est extraordinaire cette modernité » sans vraiment rien y comprendre, et se la prend dans les dents au final. Ce n'est jamais vraiment nul, hein, mais ce n'est pas vraiment le Achille Talon que j'aime.

Je crois que ce qui m'ennuie, c'est que l'auteur semble partir du postulat que Talon est antipathique. Or (mais peut-être ai-je pris de travers les BD de Greg), pour moi Talon est un personnage éminemment sympathique, avec du caractère, une personnalité bien à lui, une fatuité bon enfant... j'aime Achille Talon pour ses qualités : c'est un homme bien avec des défauts. Ici, j'ai l'impression qu'on nous le vend comme un imbécile parlant bien. À l'arrivée, il a l’air plus bête que fat, plus idiot que suffisant, plus pompeux que pédant. Ce n’est pas la même chose. En outre, et c’était le risque avec un sujet pareil, on a droit à des gags souvent simplistes et instantanément datés (du type « j’ai envoyé un SMS trop long, ou trop vite, oh la la que vais-je faire ? » ou bien
« Qu'est-ce que c'est exactement que cet Internet ? »... ma mère va sur Internet, ma grand-mère envoie des SMS, ça n'a plus grand-chose de risible).

Bref, c’est à mon avis raté** (à mon avis, hein, car plein de critiques ont l'air de s'en satisfaire - il faut dire que les reprises précédentes de la licence étaient encore moins enthousiasmantes), et ça m’attriste, parce que c’est le premier Fabcaro qui me déçoit. Dommage.

* Mais aussi de Quentin Gentil et les As, BD moins connue sur une bande de gamins vivant de sympathiques aventures, et de son extraordinaire reprise de Zig et Puce, qui redonne un souffle fabuleux à un des plus vieux titres du 9e art.

** Je n'ai rien dit du dessin, c'est qu'il n'y a rien à en dire : Serge Carrère (Léo Loden) fait bien son boulot, les personnages sont là, on les reconnaît, ce n'est ni du Greg ni une trahison, ça me va. 

1 commentaire:

Neil a dit…

Merci de ton commentaire, l'exemple de Gaston est très bien trouvé.