Ex nihilo Neil

23 septembre 2016

Ambidextrie politique (2)



J'avais évoqué il y a quelque temps une différence fondamentale entre la pensée de gauche et la pensée de droite. J'en ai trouvé une autre. Mais pour la bien expliquer (quoi ? j'écris comme je veux !), je vais d'abord la contourner...

Il existe deux manières de considérer la condition humaine (oui, ça part fort) : soit vous êtes partisan de Descartes, et vous considérez (comme on vous l'a appris depuis que vous êtes tout petit) que l'être humain est libre. Qu'il dispose d'un libre arbitre qui lui permet de prendre ses décisions tout seul, comme un grand, en se fondant sur la raison. 
Et puis il y a la vision de Spinoza (un autre philosophe, néerlandais si vous voulez tout savoir, et c'est peut-être pour ça qu'on en parle moins chez nous), qui part du principe qu’un être humain n’est pas un individu isolé prenant ses décisions selon la raison pure, mais un être social qui réagit en fonction des circonstances ambiantes et des étapes l’ayant mené jusqu’ici. 

C'est marrant parce que niveau costard, en revanche,
ils étaient plutôt d'accord.

En clair, si je m’appelle Karim et que j’ai grandi à Trappes, ou Loïc et que j’ai été élevé à Mauvezin-sur-Gupie, je ne vais pas agir de la même façon face aux mêmes circonstances, même si je dispose de la même intelligence, voire des mêmes savoirs. Moi-même, j'ai des amis avec qui je partage une énorme part de culture et de savoir, et pourtant nous ne réagissons pas du tout de la même manière aux mêmes événements.

Et ça, la droite* n’y croit pas. Ce n’est même pas une vision politique, c’est une vraie vision philosophique, profonde, de l’existence : pour l'élite actuellement au pouvoir, les gens sont des individus libres, agissant en toute conscience, des êtres cartésiens. Ça a une foule de conséquences, notamment en termes de responsabilité : ça veut dire que si vous faites une erreur, même de bonne foi, c'est forcément et entièrement votre faute. Ce qui justifie d'ailleurs une vision de la justice un peu expéditive.

Dans cette logique, notamment, ce sympathique garçon n'est coupable de rien,
puisque ce sont les gens qu'il a manipulés qui ont commis des crimes.
Quoi ? Vous n'avez pas lu Monster ? Oui, bon, vous poussez un peu aussi...


Une autre conséquence essentielle, c'est que quand vous faites une erreur, ou que vous ne réagissez pas comme vous auriez dû pour aboutir à une fin heureuse, c'est que vous avez mal fait. Vous vous êtes planté, et plus encore, vous auriez pu ne pas vous planter. Il suffisait de se renseigner correctement, de mieux réfléchir. Vous êtes un con.

Ça, c'est la conclusion cartésienne quand vous commettez une erreur : « ben, vous êtes con. » Vous aurez noté les deux aspects essentiels de cette conclusion : elle ne résout rien, et elle dédouane celui qui l'énonce. Rien d’étonnant donc si les politiques actuelles ne parviennent, intrinsèquement, qu’à créer des problèmes et pas à les résoudre.

* La « droite », c’est-à-dire tous les politiques au pouvoir en France, hein. Ne laissez pas le mot « socialiste » vous induire en erreur.

3 commentaires:

Oud a dit…

Je ne suis pas forcément très calé en politique et en philosophie. Il y a aussi un mode de vie qui est le libéralisme. C'est devenu un gros mot aujourd'hui parce qu'on l'a réduit au volet économique poussé le bouchon à l’extrême. A la base, le libéralisme repose sur 2 droits fondamentaux pour chaque individu : le droit à la liberté et le droit à la propriété. L'individu est mis au centre du libéralisme. Mais une société libérale ne serait pas un ensemble d'individus juxtaposés. Au contraire, l'homme est un animal profondément social et sait que ce n’est qu’avec les autres qu'il peut survivre. Donc l'individu, pour atteindre ses objectifs, va spontanément s’associer avec d'autres qui ont le même objectif, d'autant plus qu'il ne peut pas atteindre certains objectifs tout seul. La société libérale n’est pas non plus une juxtaposition d’associations. C’est plutôt un enchevêtrement d'associations volontaires de toutes sortes : chaque individu est de plein gré plusieurs associations, il s'exprime librement et l'association respecte sa liberté car elle ne lui impose pas son point de vue. Le rôle de l'Etat doit strictement se limiter à défendre les libertés individuelles (typiquement police, défense, justice). Il ne faut pas que l'Etat ait d'autres attributions, autrement avec sa puissance il imposerait sa vision de la société aux individus et les priverait de leur liberté. Ayant dit ça, un gouvernement conservateur ou socialiste imposerait sa vision à la société. Donc le libéralisme s'oppose par définition à la politique classique qui, qu'elle soit de droite ou de gauche, consiste à s'approprier le pouvoir. Le libéralisme, s'il est pour l'économie de marché est contre tout monopole privé ou public. Les entrepreneurs innovants proposent leurs projets aux autres citoyens, mais ne peuvent pas leur imposer. Certains projets rencontrent l’adhésion des autres, d’autres non (et il faut donc les laisser tomber) : c’est ça la vraie concurrence.

Tout ça pour dire que le libéralisme emprunte un peu d’idéologie à Descartes et à Spinoza. Et la philosophie libérale est peu répandue (en France, on n’en entend même pas parler aujourd’hui). Mais ça constitue quand même une autre voie que la droite ou la gauche. Pour la petite histoire, historiquement, les libéraux se sont opposés initialement aux souverains absolus durant les Lumières, donc on peut dire qu’ils sont de gauche au départ :-)

Victor von Jul a dit…

Ca me rappelle que j'ai vu pas plus tard que ce WE une super vidéo d'Usul sur sa chaine Youtube: La pensée 68 et la culture de l'excuse. Ca cause justement de sociologie et du fait que, finalement, un individu n'est peut-être pas aussi indépendant qu'il/on le croit... Bon visionnage :)

Neil a dit…

Il me semble avoir déjà parlé du libéralisme, qui effectivement n'existe plus dans les projets politiques actuels, du moins dans sa version originale. Il y aurait beaucoup à dire, mais globalement la politique actuelle ne tient guère plus du libéralisme que du communisme, ni même du socialisme. Le libéralisme a un bon fondement, et peut être dévoyé comme les autres philosophies politiques.
Quant à Usul, j'en conseille encore et toujours la vision, c'est édifiant et je suis fan ^_^