Ex nihilo Neil

26 juin 2019

L'épouvantable doublage de Basil, détective privé

Basil, détective privé qui est, comme 90 % des Disney, l'adaptation
d'une œuvre. En l'occurrence une série de livres pour enfants signée Eve Titus.


Dans cet article, je vais partir du principe que vous avez vu Basil, détective privé dans sa VF la plus classique, celle actuellement disponible en DVD et autres supports physiques.

Et du coup, si vous connaissez cette VF, et que vous me connaissez moi, vous devez vous posez quelques questions concernant le titre de l'article : d'où ce doublage est-il épouvantable ? D'autant qu'il dispose de trois de mes voix françaises préférées de toute l'histoire du doublage : Roger Carel en Basil, Philippe Dumat en Dawson et le grand, l'immense Gérard Rinaldi en Ratigan !




 

Oui, en effet, techniquement je n'ai rien à redire sur le doublage français de Basil. C'est excellent. On peut discuter ad nauseam de l'idée de faire doubler Vincent Price (un des acteurs les plus illustres du cinéma d'horreur des années 1950) par le chanteur des Charlots, peu m'importe, les deux voix sont parfaites.

Non, ce qui m'embête plus dans ce doublage, c'est la traduction. Car cette dernière trahit le meilleur personnage du film : le professeur Ratigan.


Animé par le grandiose Glen Keane ! (les vrais savent)

Dans la version originale, le personnage de Ratigan est très clairement défini : c'est un parvenu, une brute qui se fait passer pour un dandy, une bête qui se donne un genre raffiné. Le personnage est par ailleurs très précieux, et il a souvent été comparé à une caricature gay, à l'instar de nombreux méchants Disney des années 1990 d'ailleurs (Scar, Ursula, Jaffar...).

Ce dernier point est notamment illustré par une caractéristique très précise : Ratigan est biologiquement un rat, mais refuse de l'admettre et se fait passer pour une souris. L'information est parfaitement explicitée dans cette scène (qui aujourd'hui me semble d'ailleurs hyper violente).



Ratigan ne trompe personne, mais terrifie ses sbires au point que personne n'ose le détromper. Si vous voulez y voir un parallèle avec la volonté de dissimuler sa sexualité, vous ne serez clairement pas les premiers.

Il s'agit d'ailleurs d'un aspect essentiel de la relation entre Basil et Ratigan (que beaucoup ont comparé à une relation entre deux ex-amants, je vous laisse chercher dans Google Images, vous ne serez pas déçus du voyage), quand à la fin le héros pousse à bout son adversaire en le traitant de « rat d'égout », sachant qu'il ne supporte pas cette appellation.


Et que je te tire la moustache, et que je te pince le c...


Seulement voilà, en français, la scène avec le sbire ivre n'est pas du tout la même.



Pour une raison qui m'échappe, les traducteurs ont transformé la scène. L'ivrogne ne qualifie pas Ratigan de rat, mais de scélérat, et Ratigan s'indigne alors parce qu'on le traite de minable petit arnaqueur alors qu'il se voit comme un génie du crime. Alors on m'objectera que l'idée n'est pas si éloignée (dans l'esprit, en quelque sorte), mais... pourquoi ? D'autant que ça casse complètement l'effet quand, plus tard, le même Ratigan s'emportera face à Basil, alors que rien n'avait installé la répugnance du professeur à se faire qualifier de rat.

La VF a même été refaite lors d'une sortie en DVD afin d'expurger un certain nombre de termes vulgaires, ce qui brise encore plus la caractérisation du personnage : des « foutre » deviennent des « fiche », « vas-tu fermer ta grande gueule » devient « avant que je ne me fâche »... Or ces termes vulgaires (très vulgaires pour un Disney de 1986 !) ont un sens : si Ratigan les utilise, c'est parce qu'à ces moments-là, le vernis craque, et dévoile ouvertement le vil monstre qu'il a toujours été sous sa cape proprette.
 
Bref, je trouve ça aussi dommage qu'incompréhensible. J'imagine (mais ce n'est qu'une théorie) que des pontes chez Disney ont jugé raciste cette mauvaise image des rats véhiculée par le film, mais c'est une des caractérisations essentielles du personnage (et puis si les méchants n'ont plus le droit d'être racistes, on est mal !).
Et du coup, malgré l'extraordinaire performance de son casting français, je suis obligé de conseiller de regarder The Great Mouse Detective en VO. Ça permet au moins de profiter de la voix du regretté Vincent Price.


Pauleeeette, Pauleeeette, tu es la reine des paupiettes...


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