Le hasard des sorties veut que deux films à base de robots soient proposés en salle en ce moment. Ils n'ont pas grand-chose en commun, si ce n'est qu'ils valent tous les deux le prix de l'entrée.
Le Robot sauvage (The Wild Robot), Chris Sanders, 2024
Au vu des premières bandes-annonces, je m'attendais à un film quasi muet, genre la première moitié de Wall-e, avec un robot errant dans un monde sauvage qui n'est pas le sien et apprend à vivre en harmonie avec la nature. Ce n'est pas ça du tout, c'est même plutôt bavard, mais ce n'est pas mauvais pour autant.
Le Robot sauvage se fourvoie, parfois, notamment quand il essaie de démontrer la nécessité d'être gentil et plein de compassion dans un monde sauvage où ce n'est tout simplement pas possible. Dans ces moments-là, il s'embourbe, essayant de nous faire croire à la faisabilité d'une utopie forestière sans savoir réellement comment faire. N'est pas Zootopia qui veut. Il compense avec un très beau discours sur la parentalité et l'abnégation, une animation franchement sublime servie par une musique un chouia tire-larmes, mais grandiose, et de magnifiques moments d'émotion. Notez qu'il met un peu de temps à se finir (j'ai cru au moins trois fois que le générique de fin allait se lancer, mais non, il restait du film).
Transformers – Le Commencement (Transformers One)
Josh Cooley, 2024
Mais le vrai phénomène du moment, c'est bien sûr Transformers One (absurdement traduit Le Commencement, alors que le terme « one » a un sens tout particulier dans l'univers TF*). Avant même qu'il sorte, pas mal de critiques qui avaient eu la chance de le voir se demandaient si ce n'était pas, non seulement un bon film Transformers, mais peut-être tout simplement le meilleur film d'animation de l'année. Et je dois dire que c'est en effet de la balle.
TF One est un énième reboot de l'univers Transformers (si on compte tous les films, comics et séries animées, on a largement dépassé la douzaine), présentant une Cybertron en crise, divisée entre une élite et des prolétaires incapables de se transformer, réduits à gagner leur croûte dans de très dangereuses mines d'énergon**. Là, les jeunes Orion Pax et D-16 (futurs Optimus Prime et Megatron) vont trouver un indice les mettant sur la piste de la mystérieuse matrice du commandement. Je sais que ces prémisses sont relativement classiques, mais notez tout de même que le film part d'un postulat de lutte des classes qu'il va activement exploiter dans toute sa durée, avec tous les twists de rigueur.
Ajoutez à cette histoire parfaitement écrite et réussie une animation à tomber par terre (vraiment, ça bouge vite et bien), d'excellents personnages très bien doublés, un raz-de-marée de clins d'œil pour les fans qui ne vient jamais entraver la compréhension des néophytes, et vous obtenez la meilleure porte d'entrée pour l'univers TF de ces quarante dernières années. On est à des années-lumières des films bas du front de Michael Bay, ou même des timides (mais méritoires et réussies) tentatives de Bumblebee et Rise of the Beasts. Là vous avez un vrai film, solide, classe, plein d'idées, avec peut-être un humour un peu balourd par moment mais qui n'entrave pas l'action, et un vrai propos sincère et intelligent. Un très beau cadeau d'anniversaire pour les quarante ans de cette licence que j'aime décidément beaucoup, malgré ses errances.
* Une des grandes formules rituelles cybertroniennes est « Till all are one » (« Jusqu'à ce que tous ne soient plus qu'un »), exprimant le retour à l'unité au sein de Primus, qui peut se comprendre comme une prophétie apocalyptique ou plus simplement un retour à la terre nourricière, mais dans une vision robotique.
** On dévie un peu, mais pas tant que ça, des comics IDW où Megatron était un mineur opprimé et où la discrimination reposait sur le mode alternatif des individus, selon la doctrine du fonctionnalisme (si vous vous transformez en avion de chasse, vous êtes un militaire, si vous vous transformez en foreuse, vous êtes un mineur, etc., induisant une hiérarchie de fait).