Si vous suivez les séries, il y a de quoi faire en ce moment, mais j'en ai vu deux récemment qui font beaucoup parler, donc parlons-en...
Bref.2
Bon, déjà, vous n'avez pas pu passer à côté tant tout l'Internet français a tourné en boucle autour de l'événement : Kyan Khojandi a shadowdroppé la saison 2 de Bref, dix ans après la conclusion de son petit programme court. La première saison était incontestablement incroyable sur le plan formel mais beaucoup plus critiquable (et fortement critiquée) sur le fond, et on sent qu'il a appris de ses erreurs.
Les critiques reprochaient en général à la saison 1 de faire un portrait très positif d'un personnage qui, de fait, prenait des décisions horribles et se révélait régulièrement être un vrai connard. Toute la série tournant autour de la projection du spectateur dans ce type « comme tout le monde », forcément, ça a fini par coincer.
Il repart de cette base et adresse résolument le sujet, traçant cette fois une trajectoire de rédemption du personnage, assumant ses défauts et le montrant remonter la pente à travers les épreuves de la vie. Là encore la projection marche à fond, et là encore malgré quelques défauts sur le fond (un appart' beaucoup trop grand et un boulot beaucoup trop facile à trouver), la forme est impériale. La saison 2 a frappé au cœur les spectateurs et moi avec, en traitant magistralement certains sujets difficiles et en enchaînant les moments de bravoure en termes de réalisation. Qu'on ait aimé ou pas la première saison, c'est clairement un truc à voir.
Win or Lose (Gagné ou perdu)
L'autre événement du moment c'est la nouvelle série Pixar, Win or Lose, qui nous raconte la semaine précédant la grande finale d'une petite équipe de softball*. Chacun des huit épisodes relate la même période, vue à travers les yeux d'un personnage différent, avec à chaque fois un gimmick typiquement pixarien qui nous révèle les pensées profondes du héros du moment**. Et il s'en passe des choses dans ces petites têtes de préados...
Quoi qu'on en pense, Win or Lose est une série extrêmement ambitieuse. Au-delà des gimmicks visuels et de la contrainte de narration imposée par les huit récits simultanés (ce qui serait déjà beaucoup), elle se donne pour but d'explorer en profondeur les angoisses de ses personnages, ce qui donne des épisodes parfois très intenses, avec une montée en tension assez raccord avec ce que l'on sait de la santé mentale des jeunes de notre société. Chaque membre de l'équipe (et quelques proches) s'astreint à masquer ses sentiments profonds, pour des raisons diverses, ce qui génère fatalement une pression terrible qui va finir par éclater lors de la fameuse finale, marquant la fin de chaque épisode sur une note généralement sombre. Et l'interconnexion des histoires nous rappelle au passage que personne n'est jamais seul avec ses angoisses, et qu'elles ont en outre de vraies conséquences sur nos proches. Mais que si on y travaille tous ensemble, on a un espoir de s'en sortir.
J'ai du mal à dire que Win or Lose est parfait, notamment parce que la série s'inscrit dans une culture vraiment, vraiment très américaine (le softball, les suburbs...) qui fait que j'ai régulièrement eu l'impression de passer à côté de certaines subtilités. En outre elle a traversé une petite crise durant sa production qui n'a pas dû aider***. Mais elle a le potentiel de devenir culte pour une génération, ça j'en suis sûr.
* Si vous l'ignorez, le softball est une version allégée du baseball, avec un terrain plus petit, un lancer différent et plusieurs différences absolument radicales si vous êtes américain, et totalement invisibles si vous êtes normal. Le cliché habituel veut que le softball soit un « baseball pour les filles ». Je n'y souscris évidemment pas.
** Laurie voit son angoisse apparaître sous forme d'un blob plus ou moins gros (en mode Elliot au collège), Yuwen dévoile un monde intérieur qui semble conçu par Michel Gondry, Kai s'envole ou s'enterre dans le sol en fonction de son humeur... pour le dire vite on a l'impression que les créatifs de chez Pixar ont mis dans la série toutes les idées dont ils n'ont pas réussi à faire un film.
*** Pour le dire plus clairement, un des personnages était prévu pour être transgenre, et l'équipe créative a dû reculer par peur des réactions parentales. Dommage car
la série aurait été la parfaite opportunité pour que Disney se lance enfin un peu
concrètement dans la représentation des LGBTQ+. Dommage au carré puisque l'arc modifié du personnage se conclut par une scène de réconciliation qui était sans doute prévue pour la première version, et qui semble du coup désormais un peu disproportionnée.