Ex nihilo Neil

20 décembre 2023

Bonne fin de 2023


 Mon ami Oud a fait le père Noël lors d'une fête récemment, ce qui m'a donné l'idée de cette petite illustration. Sur ce je pars en vacances quelques jours, rendez-vous l'an prochain pour de nouvelles aventures. D'ici-là, passez de bonnes fêtes de fin d'année.

18 décembre 2023

Chocolate for the soul


  

Donc, à l'origine, je n'avais aucune intention d'aller voir Wonka, qui me semblait un énième reboot commercial sans âme issu du cerveau dégénéré de quelque producteur aux narines panées à la cocaïne. Puis une amie m'a demandé une critique du film, une émission en ligne en a vanté les mérites, alors je me suis dit... pourquoi pas ? Et ça aurait vraiment été dommage de rater ce qui sera sans doute le meilleur film de Noël de 2023. 

Dans une ville qui pourrait tout aussi bien être Londres, Paris ou Vienne, le jeune Willy Wonka débarque pour ouvrir sa boutique et partager ses concepts de chocolat avec le plus grand nombre. Mais c'est compter sans le cartel du chocolat qui tient la ville, ou les terribles aubergistes qui le retiennent en quasi-esclavage. Heureusement, Willy a plus d'un tour dans son sac à malice. (oui, je compte postuler pour la rédaction de résumés de films dans Télé 7 jours...). Eh bien figurez-vous que malgré ce pitch qui semble vouer le film aux tréfonds du crétinisme, j'ai passé un moment merveilleux !

Timothée Chamalayan est excellent, plus proche de
Gene Wilder que de Johnny Depp (le film est d'ailleurs une
prequel incompatible avec le film de Burton).

Wonka n'est pas un petit miracle, c'est très clairement le résultat de beaucoup de travail investi par toutes les personnes impliquées. La production est magnifique, avec des décors superbes et colorés et des costumes impeccables. Les musiques (attention, c'est une comédie musicale, une vraie, une belle) sont très attachantes. La réalisation est inventive, riche et généreuse (Paul King, le réalisateur, avait signé les adaptations ciné de l'ours Paddington et apparemment, là aussi, c'était réussi). Le scénario est adorablement cliché mais connaît ses points forts et les pousse jusqu'au bout, tout en conservant cette fibre Roald Dahl indéfinissable, ce côté « Dickens sous acide », sans jamais recourir à des références mal placées. Les acteurs sont parfaits, aucune fausse note, de Timothée Chalumeau (qui pour une fois ne fait pas la gueule, et incarne à merveille la fantaisie de son personnage en butte avec la dure réalité du monde) à Hugh Grant (que personne n'attendait dans ce rôle mais qui a choisi de le jouer en mode « British ++ », et il le fait très bien). 

Bref, c'est une sucrerie, un délicieux petit cadeau pour les fêtes, un moment de joie et de bonheur pour toute la famille, d'une sincérité absolue. Je ne m'y attendais vraiment pas, mais c'est ma recommandation du moment.

15 décembre 2023

Nautilus

 

Ouais, c'est un peu la panne en ce moment. Y a le rush de fin d'année (moins violent que d'autre fois, mais quand même, faut boucler les revues de janvier), j'essaie de finir mon roman (même si j'ai renoncé à l'idée de l'avoir achevé pour Noël), et j'ai pas beaucoup d'idées en rabe pour le blog. D'où ce nautile.

Et j'ai pas d'anecdote sur les nautiles (Gérard Lenorman ne s'y est jamais intéressé, curieusement), donc tant pis. La semaine prochaine j'essaierai de vous parler de Wonka, puisqu'une copine lectrice m'a demandé mon avis dessus et que j'en entends (à ma grande surprise) plutôt du bien, donc je vais essayer d'aller le voir ce week-end, puis ce sera les vacances, qui seront bienvenues.

13 décembre 2023

Tursiops

 

Je savais pas quoi faire, j'ai dessiné un dauphin. 

Du coup je me suis dit que j'allais vous expliquer d'où vient le mot « dauphin », mais en fait on n'est pas sûr que ce soit de δελφὐς (utérus) ou de δέλφαξ (porc), alors je vais plutôt vous raconter une histoire vraie que vous connaissez peut-être déjà.

En 1975 sort en salles Jaws, renommé Les Dents de la mer en français (et non pas Jaws – Martin Brody part à la pêche, car la traduction de titre était laissée à des professionnels à l'époque). Le film fait un carton monumental, lance la carrière internationale de Steven Spielberg et traumatise le monde entier. La vue d'un aileron affleurant à la surface de l'eau devient désormais la plus grande terreur des baigneurs. 

Au point, selon certains, que les gens s'effraient parfois du passage de dauphins, car quand on n'est pas trop versé sur le sujet on peut confondre les ailerons. Et ça, c'est nul. C'est en tout cas ce que se dit alors Gérard Lenorman, le « Petit Prince de la chanson française » (rigolez pas, c'était vraiment son surnom), et comme c'est un artiste engagé il va se mettre en tête de composer une chanson dénonçant cette horrible injustice. C'est vrai qu'en 1976, y avait pas grand-chose d'autre à dénoncer. 

Le résultat c'est Gentil dauphin triste, une soupe assez typique de l'auteur (même si j'aime bien La Ballade des gens heureux et Voici les clés, faut reconnaître que c'est pas exactement la voix d'une génération). Le succès est monumental (son plus gros hit apparemment, même si peu s'en souviennent aujourd'hui).

L'histoire en serait restée là si le merveilleux Gilles Stella ne s'était mis en tête, dans son CD Ton hirsute compagnon (un album assez chelou mais fort sympathique qui s'inscrit bizarrement dans le canon de Chroma et Crossed), de répondre à Lenorman, avec tout juste quarante-quatre ans de retard. La chanson, intelligemment intitulée Droit de réponse à Gérard Lenorman, rétablit quelques vérités sur les dauphins de manière fort subtile. Je vous mets ça là.

 

11 décembre 2023

Le retour de Gaston

 

Si vous ne suivez pas l'actualité de la bande dessinée et que vous n'êtes pas abonné à Spirou, vous avez peut-être été surpris en découvrant dans les bacs de la Fnouc un nouvel album de Gaston, plus de trente ans après la fin de la série. Alors, s'agit-il d'une vraie réussite artistique, ou d'une énième resucée purement commerciale ?

Avant de répondre à la question, il est important de signaler quelques points importants, le premier étant que, comme beaucoup de dessinateurs de ma génération, je considère que Franquin est Dieu. Au sens où c'est un artiste à la cheville duquel j'estime que personne n'arrive ni n'arrivera jamais. André Franquin était au dessin humoristique ce que Bach fut à la musique baroque, ce que Super Mario est au jeu de plate-forme, ce que le xénomorphe est aux monstres de film : la perfection, un horizon indépassable, derrière lequel les suivants se contentent d'espérer produire quelque chose de potable qui leur vaudrait une petite tape sur l'épaule de la part du maître. 

Franquin c'est le pivot, le centre, le pic de la BD franco-belge : avant, ça progresse vers Franquin, ensuite ça court après Franquin. Que ce soit en termes de composition de planches, d'humour mais surtout de dessin et de dynamisme, c'est l'optimum, pas moyen de faire mieux. C'est tout. 

Alors quand les éditions Dupuis annoncent une reprise de sa série phare, Gaston, cette série avec laquelle j'ai quasiment appris à lire (mais pas à dessiner, car déjà à l'époque j'avais compris qu'il était inutile d'essayer de reproduire les œuvres du grand homme et me contentais de copier le style de Peyo, exigeant mais plus accessible), autant vous dire que j'étais prêt à hurler à la lune avec le reste des fans. Gaston, l'œuvre phare, inégalable ! Qui allait oser s'y frotter ? Sûrement un inconscient, un petit jeune qui allait souiller le chef-d'œuvre sans même comprendre la teneur de son sacrilège... J'étais presque prêt, par avance, à lui pardonner.


Eeeet... tiens non, ils ont choisi Delaf, dessinateur et coauteur des Nombrils. Et... c'est une très bonne idée en fait. Pour peu qu'on les analyse en profondeur, les planches des Nombrils ont un peu la même structure que les gags de Gaston : une écriture fine (quoique plus bavarde), plusieurs gags parsemés qui préparent la dernière case (car dans les deux œuvres la chute n'est pas le seul élément drôle) et définissent tout un univers, une grande attention apportée aux caractères des personnages... bref, une BD de gags qui n'oublie pas d'y mettre beaucoup d'efforts, qui ne prend pas le rire par dessus la jambe, tout en s'astreignant à rester accessible.

Mais je demeurais vigilant. Après tout de bons auteurs s'étaient déjà risqués à l'exercice (Yann et les deux Léturgie avaient réalisé Gastoon, version juvénile – en quelque sorte – du héros sans emploi) et ça n'avait pas été incroyable. Qu'est-ce que ça allait donner cette fois ?

Eh bien, et croyez bien que je mesure chaque mot dans la phrase qui va suivre, Delaf fait du bon boulot. Le nouvel album de Gaston n'a pas à rougir à côté des albums de Franquin. Je ne saurais l'écrire autrement, mais j'espère que vous comprenez que de ma part, il n'y a pas de compliment plus fort que celui-ci : Le Retour de Lagaffe est un bon album de Gaston.

08 décembre 2023

Histoire de vœux

 


Alors, j'ai été voir Wish, le dernier Disney, eeeet... oui, faut qu'on en parle.

En soi, et pour faire court, Wish (ou Wish – Asha et la bonne étoile en français, parce que fuck) est un film oubliable. Il part sur une excellente base, qui mériterait franchement un meilleur traitement (un pays vous accorde asile et protection, mais en échange vous devez sacrifier votre souhait le plus profond, le plus personnel... le potentiel philosophique et politique d'une idée pareille est incroyable !), et n'en fait pas grand-chose. 

Déjà sur le fond, c'est pas foufou, mais sur la forme, c'est d'une tristesse ! Le studio est parti sur une logique de 3D avec cell shading qui donne une impression de fadeur et de platitude désespérante, surtout si on repense aux couleurs et à l'exubérance visuelle d'Encanto (sans même parler des expérimentations de la concurrence comme Spider-Man into the Spider-Verse ou Arcane...). Les chansons sont instantanément oubliées (en dehors – à l'extrême limite – de la chanson phare This Wish, dont la reprise finale porte une scène là aussi intéressante mais sous-exploitée). Bref, un film sans grand intérêt. Et autant je suis convaincu que Strange World sera redécouvert dans les années à venir, autant je parierais bien que Wish va sombrer dans l'oubli pour longtemps.

Mais ça, c'est juste le film. Seulement voilà, Wish n'est pas juste un Disney de plus : il est supposé être le long-métrage qui célèbre les cent ans du studio d'animation ! Et donc une synthèse de ce que Disney fait de mieux. Et quelque part, c'est réussi : Wish est un amas de clichés et de références incomprises à des films antérieurs, bien meilleurs, servi sur une animation sans âme, le résultat d'une succession de réunions de décideurs incapables de comprendre pourquoi leurs succès passés ont fonctionné. Disney finit son premier siècle dans une impasse artistique impressionnante. Ce n'est pas le premier creux de la vague du studio, mais l'étendue de sa mainmise sur Hollywood le rend particulièrement visible : que ce soit le MCU, la licence Star Wars, la Fox et donc le studio historique d'animation, y a plus grand-chose qui tienne debout côté cinéma chez Disney*. Le studio s'en relèvera, comme il l'a toujours fait, mais il va falloir penser à se recentrer sévèrement.  

* Paradoxalement, c'est en fait sans doute le studio d'animation qui tient le mieux la route, puisque les meilleurs films de la firme ces dernières années sont pour moi Encanto et Strange World. Mais ce dernier a été totalement boudé par le marketing, à la limite du désaveu public, ce qui là encore démontre à quel point les exécutifs ne comprennent plus rien à ce qu'ils font.


C'est d'autant plus cruel que dans la même soirée, j'ai vu Puss in Boots – The Last Wish (ça me semblait dans le thème). Et la claque ! 

Rien ne prédestinait le Chat Potté, personnage secondaire d'une licence surestimée, à devenir autre chose qu'un spin-off au mieux rigolo et sans intérêt. Et pourtant, les équipes de chez Dreamworks se sont sorti les doigts, creusé la tête et investies à fond pour proposer non seulement une animation au niveau des standards actuels, mais aussi une vraie histoire profonde, creusée, avec des thématiques fortes que ne négligerait pas un Pixar, des personnages tous très attachants (mention spéciale à Boucle d'Or et sa petite famille) et un méchant assez incroyable qui va marquer le monde de l'animation, que dis-je du cinéma pendant un bon moment. C'est une vraie pépite et je vous encourage à le voir au plus vite.


Ah oui, et y a Mars Express en ce moment au ciné, tous les vidéastes français en ont parlé, de Jean Massiet à Nexus VI, et c'est vrai, c'est super bien, de l'excellente SF française, ça fait plaisir, il faut encourager ça, allez-y. 

Mais on ne m'ôtera pas de l'idée que les voix sont à la ramasse, ce qui est très étrange pour de la création de voix (ce n'est pas du doublage, les voix ont été enregistrées avant l'animation, comme on fait toujours). Mon hypothèse c'est que le réalisateur, l'excellent Jérémy Périn, ne savait pas encore très bien ce qu'il voulait pour ses personnages et n'a pas osé dire à Léa Drucker et aux autres acteurs chevronnés qu'il avait dans son studio d'enregistrement : « Non, on la refait. » Ça n'a pas l'air de gêner grand-monde (les professionnels semblent même louer ce travail vocal que je trouve très médiocre), mais moi ça m'a sorti du film plusieurs fois. Ça reste super bien, hein.

06 décembre 2023

Les bonnes BD de Noël

 

En cette fin d'année, deux de mes auteurs préférés sortent une nouvelle BD, autant dire que c'est la fête (comme souvent en fin d'année, me direz-vous).

La première, c'est le deuxième tome de Lou! Sonata par Julien Neel.


La saison 2 de l'excellente série Lou! continue, avec un épisode entièrement centré autour de l'organisation d'un festival où vous allez retrouver tous les personnages déjà croisés (autant dire qu'il vaut mieux ne pas commencer par là). C'est toujours un plaisir de retrouver cette ambiance joyeuse, cette ode à la jeunesse plein d'optimisme qui fait chaud au cœur. Une bouffée de fraîcheur, servie en outre par une bande originale composée spécialement et accessible en ligne. Très lofi, je l'écoute souvent en travaillant, pour replonger avec délice dans les tons pastel du Dead Dung Fest.


Et la seconde, c'est Clovd, de Florent Maudoux. Comme d'habitude, avant de finir le cycle en cours (Funérailles s'est arrêté au tome 7, et je cracherais pas sur un 8), Maudoux s'est dit qu'il avait plein d'idées pour un spin-off, alors pourquoi pas se lancer ? Le résultat est une série post-apo qui reprend quelques personnages des BD précédentes sans avoir vraiment l'air liée, de sorte qu'on ne sait plus très bien si on est dans une série dérivée, un univers parallèle, le futur ou encore complètement autre chose. Et c'est pas grave, parce que Clovd s'annonce d'ores et déjà comme une excellente série bourrée ras la gueule d'idées magistrales, avec cette fois un gros accent sur le concept de jeu de rôle (sujet qui a toujours intéressé Maudoux). C'est délicieux, quoique moins pastel que Lou!, et ça donne toujours autant envie de créer à son tour.

04 décembre 2023

Le lore perdu de la flemme

 

Je savais pas quoi faire, je lisais de vieux comics Transformers (parce que la vie est parfois curieuse), et j'ai découvert le personnage de Circuit Breaker, alors j'ai fait un fan-art. C'est qui Circuit Breaker ?

Circuit Breaker, comme le glisse fielleusement sa fiche sur le wiki Transformers, c'est ce qui se passe quand les auteurs estiment que des robots transformables géants qui se mettent sur la tronche ne suffisent plus à retenir le lecteur : on ajoute une meuf à poil enveloppée dans du papier alu.

Donc, origin story déboussolante d'originalité : Josie Beller est une petite génie de l'informatique employée chez Blackrock Enterprise (en gros le Stark Industries de l'univers TF), elle est tout gentille et dévouée à son employeur G. B. Blackrock, et un jour que les Decepticons attaquent elle se retrouve paralysée, et pour pouvoir se venger se bricole une espèce de costume qui lui permet de manipuler les champs électriques et notamment de se déplacer, de voler, de faire sauter des plombs et sans doute d'emballer aisément toute forme de nourriture.

Bizarrement, malgré un matériau de base trouvable en abondance dans toutes les supérettes du monde, je n'ai pas trouvé d'images de cosplay.

24 novembre 2023

Nouveau compte

 

Bon, je pense qu'on peut considérer mon ancien compte FB comme définitivement décédé (probablement suite à un piratage), donc j'en ouvre un nouveau : @exnihiloneil.2023. Vous pouvez vous y inscrire, j'y relaierai mes posts de blog et y dirai des bêtises de temps à autres.

17 novembre 2023

Picoti picota

 


(Je vous rassure, on en a reparlé, elle n'a pas fait de cauchemar, n'est pas traumatisée et a beaucoup aimé le film).

15 novembre 2023

J'ai lu des BD

 

Blacksad t. 7 – Alors, tout tombe (2de partie)
Díaz Canales et Guarnido

On attendait impatiemment cette suite de Blacksad, concluant une intrigue mêlant malversations immobilières et théâtre subventionné. Est-ce que c'est sublime ? Oui. Est-ce que c'est parfaitement raconté avec un graphisme et une mise en page à tomber de sa chaise, avec des couleurs à se damner et un parti pris de design incroyablement puissant et efficace ? Oui. Est-ce que ça tutoie les étoiles ? Meh...

J'adore Blacksad parce que je ne vois pas comment faire autrement. Le concept est juste trop fort. Du film noir en BD avec une patte animalière à la Disney, c'est imparable. Et pourtant, parfois, il m'arrive de me demander si Blacksad, ça ne ferait pas un peu dans la facilité. Si les personnages, clichés par essence, ne le seraient pas aussi un peu parce que c'est quand même plus simple à écrire. Et j'ai un peu honte de penser ça parce que je n'arriverai jamais à la cheville ni d'un Canales, ni d'un Guarnido. Mais quand même, dans le prochain, j'aimerais un peu plus d'audace. Peut-être une réflexion sur le genre noir. C'est un comble, à l'heure où tant d'œuvres « méta » insistent trop sur leur aspect autoréflexif et néglige l'efficacité primaire du récit, travers qu'on ne peut certainement pas reprocher à Blacksad... Bah, on n'est jamais content.


L'Ombre des Lumières t. 1 – L'Ennemi du genre humain
Alain Ayroles et Richard Guérineau

S'il est un auteur dont il faut toujours surveiller les sorties, c'est bien Alain Ayroles. Depuis Garulfo et surtout De cape et de crocs (chef-d'œuvre intergalactique que je vous intime de posséder dans votre bibliothèque et de relire au moins une fois par an), il a signé quelques ouvrages passés relativement inaperçus (notamment l'excellent D, relecture de Dracula que je vous conseille) et l'estourbissant Les Indes fourbes, avec Guarnido au dessin (et là il faut carrément que vous en achetiez deux et que vous les relisiez tous les jours !). 

Sa nouvelle série, L'Ombre des Lumières, se situe au XVIIIe siècle (siècle des... Lumières, oui, vous suivez) dans les traces d'un noble libertin, sorte de Voltaire trouduc, qui se plaît à tester les limites de la société où il évolue. C'est extrêmement prometteur, et je gage que nous avons ici le début d'une trilogie qui aura tout pour plaire. On y retrouve les obsessions d'Ayroles (le beau parler, les préjugés, la lutte des classes – si, si, c'est en filigrane dans toute son œuvre), et c'est délicieux.


Spirou et la Gorgone bleue
Dany et Yann

Un cas d'école que ce Spirou signé par un duo de légende. Dany et Yann, vieux briscards de la bande dessinée franco-belge (149 ans à eux deux !), reprennent donc les stylos pour une aventure de Spirou et Fantasio aux prises avec des écoterroristes. Et franchement, le résultat est fascinant. 

Pas fascinant « oh mon Dieu c'est tellement beau, bien écrit et bien pensé », non. Déjà parce que ce n'est pas si beau : Dany accuse son âge et des designs manquent parfois de consistance d'une case à l'autre. Non, fascinant parce que cette BD écrite par deux vieillards parvient à aborder quasiment tous les sujets chauds du moment (crise écologique, hégémonie du grand capital, activisme, bellicisme américain, hyperconsumérisme...) pour se conclure sur une morale de boomer ++ : « Boaf, on s'en fout, on est à la plage, les meufs sont bonnes, y a bien d'autres gens qui trouveront une solution. » C'est tout simplement incroyable de nihilisme cru, à la frontière de l'insulte aux jeunes générations, et comme je l'écrivais plus tôt, ça en devient fascinant.


Donjon Antipodes + t. 10002 – Changement de programme
Joan Sfar, Lewis Trondheim et Vince

Un nouveau Donjon, c'est toujours bon à prendre. Dans celui-ci il se passe plein de trucs, notamment avec des robots, des démons et une tête d'automate qu'on connaît bien.


Astérix – L'Iris blanc
Fabcaro et Didier Conrad

J'étais très curieux de voir ce que Fabcaro allait faire avec Astérix. C'est une petite déception, mais limitée parce que je n'attendais pas grand-chose non plus.

L'idée était pourtant très bonne de partir sur une histoire de « guerre psychologique » (à la Zizanie ou Le Domaine des dieux) plutôt qu'un voyage. Ce sont souvent les meilleurs albums : ces histoires où la potion magique est inefficace et où la malice d'Astérix et la sagesse de Panoramix devront venir à bout d'un ennemi usant d'armes immatérielles, faisant au passage réfléchir sur le mode de pensée des habitants du village, et donc de nos contemporains. Goscinny excellait dans ce concept. Fabcaro, moins.

Dans L'Iris blanc, Vicévertus (apparemment un mélange de BHL et Dominique de Villepin, moi je trouve pas et du reste je ne vois pas le lien avec la choucroute) va user de la « pensée positive » pour affaiblir le village et le rendre... tolérant. Nos amis ne se battent plus, acceptent tout et, logiquement, devraient finir par adhérer à l'occupation romaine. Heureusement Astérix va tout mettre en œuvre pour que la discorde règne à nouveau.

Alors je comprends l'idée, hein : la vraie démocratie, et la vie en général, c'est le conflit, et si on tolère tout on ne vit plus vraiment, donc il faut renverser ça mais... déjà je ne vois pas comment Vicévertus arrive à autant retourner tout le monde (il ne fait que dire des lieux communs sans grande force), et ensuite je trouve que l'album brise deux codes essentiels de ce genre d'histoire : d'abord, il la transforme en plein milieu en histoire de voyage, puisque vers la moitié de l'album l'enjeu change complètement et il s'agit d'aller retrouver Bonemine qui a fui le village. Et ensuite, surtout, le beau parleur n'est pas puni par là où il a péché. 

Le principe des histoires de guerre psychologique dans Astérix, c'est de retourner le piège contre celui qui le tend. Ce n'est pas le cas ici, ce qui n'est pas étonnant car la teneur du piège n'est pas claire. Je comprends comment les fausses prédictions de Prolix tournaient la tête de tout le village dans Le Devin. Je sais comment le capitalisme de Saugrenus perturbait l'équilibre des Gaulois dans Obélix et Compagnie. Je vois parfaitement comment Détritus mettait le dawa dans La Zizanie. Et du coup je comprenais comment on pouvait retourner ces mécaniques contre eux. Ici, ne comprenant pas bien comment Vicévertus corrompt les gens, il est impossible de le prendre à son propre jeu, et d'ailleurs les auteurs le savent puisqu'ils s'en sortent par une pirouette. Je ne dis pas qu'il ne faut jamais briser les codes établis, mais pour moi ici le résultat n'est vraiment pas à la hauteur du modèle imposé par Goscinny. Restent plein de calembours plutôt réussis et un graphisme parfait.


13 novembre 2023

Je ne bois jamais... de vin

 

En ce moment, avec les copains, on joue à V Rising. Certes, le jeu est encore en accès anticipé, mais il est franchement très propre et on est loin d'en voir le bout.

V Rising, c'est un jeu de survie-crafting avec plusieurs twists sympas : déjà, c'est en vue de dessus à la Diablo, avec un design un peu cartoon dark très agréable à suivre (même si on est un peu loin de notre perso). Ensuite, on incarne des vampires, créatures de la nuit hantant les ombres de la civilisation, bien décidées à prendre leur revanche sur cette humanité qui se croit toute permise. Cela implique notamment de se nourrir de ces malheureuses créatures et de traquer les porteurs de « sang V », lointains descendants de Dracula. Une fois vaincus, ces boss nous octroient de nouveaux pouvoirs et de nouvelles recettes de craft qui permettent de monter encore en puissance.

Les combats sont dynamiques et fun, mais mieux vaut ne pas viser trop haut
au-dessus de votre niveau parce que les ennemis peuvent faire très mal.

Il y a donc toute une partie craft où, entre deux chasses à l'homme, on va établir et fabriquer son propre château, avec des salles dédiées (forge, atelier d'alchimie, atelier de couture – car en tant que vampire on se doit d'être trop stylés...) et une grosse gestion d'inventaire. C'est fort agréable. Il y a aussi tout un aspect PvP, mais bon, nous on s'est bricolé un serveur dédié pour pas être emm... bêtés par les malotrus qui souhaiteraient diviser la cause vampirique.

La dernière mise à jour a ajouté la possibilité de créer des étages,
multipliant les audaces architecturales potentielles.

Le jeu génère en outre une multitude de dialogues incongrus à base de succions et autre « Non, le mange pas, je me le gardais pour moi ! » ou « Qui c'est qu'a rangé le verre avec les plantes ? Ça va dans “Raffinés” ! », ou encore « Ben je t'ai pas ressuscité là ? – Non, tu as achevé le boss. Moi, c'est le corps à côté ! », ce qui est la marque des bons jeux multi.

10 novembre 2023

J'ai vu des films

 

The Marvels, Nia DaCosta, 2023

Tout le monde s'en fout de Captain Marvel (dont le film était pas top), de Miss Marvel (dont la série était naze) et de Monica Rambeau (dont l'arc dans WandaVision n'était pas l'aspect le plus captivant de la série). Mais quid d'un film réunissant les trois ? Eh bien autant vous le dire, on ne tient pas là le nouveau souffle du MCU. 
Le film est convenable au mieux, poussif et mal monté au pire. Les actrices ne sont pas en cause, et sur le papier ça pouvait marcher. Le scénario, quoique très « comics » (on va pas pinailler sur la cohérence scientifique, hein), n'est pas pire qu'un autre et arrive à peu près à justifier la réunion des trois héroïnes, mais la réalisation est à la ramasse alors qu'avec des histoires de téléportation intempestive, il faudrait au contraire qu'elle s'efforce d'être très claire et lisible. Les personnages peinent un peu à donner du punch aux bagarres (pas aidées par certains costumes qui mériteraient un petit ajustement). Samuel L. Jackson a clairement envie de plaquer toutes ces conneries pour refaire des films avec Tarantino. Certaines blagues durent beaucoup trop longtemps. Les enjeux sont inexistants puisque réglés en deux minutes à la fin. Restent la bonne bouille d'Iman Vellani, toujours pétillante d'enthousiasme en Kamala Khan, et une séquence post-générique qui m'a fait sourire très fort. C'est pas un super bilan.


Master and Commander – The Far Side of the World,
Peter Weir, 2003

Film culte pour certains, passé totalement inaperçu pour d'autres, Master and Commander est tout simplement un petit chef-d'œuvre méconnu. Adapté de la série de romans de Patrick O'Brian, on y suit la vie quotidienne à bord d'un vaisseau de la Marine royale anglaise en pleines guerres napoléoniennes. Russel Crowe incarne le meilleur capitaine du monde, Paul Bettany est excellent en médecin de bord féru de naturalisme, le film est incroyable dans sa reconstitution minutieuse et très réaliste de la vie à bord (louée récemment par Nota Bene, c'est dire) et l'action n'est pas en reste puisqu'on ne s'y ennuie pas une minute. Il aurait dû initier toute une saga cinématographique, et c'est bien dommage que ça n'ait pas eu lieu, mais un miracle, c'est déjà beaucoup.

 

The Sea Beast (Le Monstre des mers),
Chris Williams, 2022

Quand j'ai appris que le réalisateur de Moana avait fait un film pour Netflix, je me suis jeté dessus, et j'ai éprouvé à peu près la même déconvenue que pour Nimona. Le film est somptueux, certes, et pas désagréable à regarder, mais très prévisible. Et il a des choses à dire, et pour ça n'hésite pas à mettre en place un univers sur mesure qui, dès qu'on y réfléchit un peu, n'a pas beaucoup de sens. C'est dommage parce que l'idée principale, à savoir que l'Histoire que l'on nous enseigne n'est pas forcément vraie et qu'il faut la questionner, est intéressante, mais le tout repose sur une mise en place de monde beaucoup trop bancale, où on ne sait plus très bien pourquoi les méchants font ce qu'ils font. Où, à force de vouloir être subtil, on finit par empiler les clichés. C'est pas ouf. Mais c'est beau (même si je ne suis pas fan du design des monstres).

 

Underwater, William Eubank, 2020

Petit film horrifique qui a fait son effet à sa sortie et acquis une réputation depuis, Underwater ne perd pas de temps et nous met en situation très vite : on est dans une station minière dans les abysses, ça craque, c'est la merde, il faut remonter, comment on fait, en plus y a des bestioles chelous dehors... C'est efficace, ça prend pas trois plombes à expliquer des tenants et aboutissants dont on se fout, et à la fin on comprend que c'était sûrement pas une bonne idée de venir exploiter les filons uranifères de R'lyeh. Pas un grand film mais un bon petit long-métrage à ranger avec les œuvres de genre qui savent ce qu'elles sont et ce qu'elles font.

 

The Super Mario Bros. Movie,
Aaron Horvath et Michael Jelenic, 2023

On l'a enfin vu, ce Super Mario le film. Alors... Bon, niveau film lui-même, y a rien à dire : c'est sublime, l'univers de Mario est bien rendu, l'animation est incroyable, l'histoire sympathique, les gags rigolos... C'est totalement agréable à regarder. Mais est-ce que ça va marquer ? Est-ce qu'on va s'en souvenir autrement que comme une grosse sucrerie farcie ras la gueule de fan service ? Est-ce qu'il ne serait pas temps de se calmer un peu avec les grosses batailles au ralenti sur fond de Battle Without Honor or Humanity ? Est-ce que l'humour à la Shrek fait encore marrer, vingt ans après ? Franchement, moi, je fatigue un peu.

08 novembre 2023

L'aventure charentaise

 La semaine dernière nous étions en vacances en Charente-Maritime, où nous avons eu une chance complètement folle en termes de météo puisqu'il pleuvait quand on était dans la voiture ou dans les musées, et il faisait beau quand on se promenait. Même la tempête ne s'est déclenchée qu'après qu'on a réussi à monter dans le train du retour (couchant au passage plusieurs arbres sous lesquels on avait marché quelques heures auparavant).

L'île d'Oléron, vers le phare de Chassiron (que l'on voit sur la photo).
Oui, c'est marée basse.

Notez le magnifique anémomorphisme de cet arbre qui a l'air
d'avoir poussé dans un roman de Damasio.

Nous logions à Port-des-Barques, à deux pas de ce point où La Fayette
a embarqué pour l'Amérique à bord de l'Hermione.
(Et si vous allez à Port-des-Barques un jour, allez manger à la Brasserie Viking,
sans rire c'est hypra bon).

La Corderie royale de Rochefort, dont je vous conseille la visite car c'est super bien foutu.
Ce bâtiment de 300 mètres servait à fabriquer des cordages d'une encablure de long, un projet
un peu fou bâti sur de la vase parce que quitte à monter un arsenal à partir de rien,
autant le faire en mode hard.


31 octobre 2023

Inktober 31

 

Inktober finit fort opportunément avec une image qui me permet de réunir les quatre héros de l'histoire. Mais comme (cette année encore) j'ai raté les deux premiers jours de l'événement, je continue demain et après-demain. En revanche, pour la suite, comme je suis en ce moment en vacances au fin fond de la Charente-Maritime, il ne devrait plus y avoir de notes avant la rentrée.