Film de Jean-Paul Lilienfeld
31 mars 2009Dans une salle de théâtre d’un lycée de banlieue, M
me Bergerac essaie d’enseigner la vie de Molière à une classe relativement « difficile ». Une arme à feu tombe d’un sac. Elle s’en saisit. Le monde craque.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce film. On pourrait évoquer la performance d’Isabelle Adjani, qui se fait sans doute trop rare sur nos écrans. On pourrait s’amuser à compter les seconds rôles*. On pourrait aussi faire la comparaison avec
Entre les murs, primé à Cannes l’an passé. On pourrait gloser sur la capacité de Jean-Paul Lilienfeld à brosser une fresque sociale convaincante, le principal titre de gloire de ce petit artisan besogneux du rire ayant consisté à amuser il y a douze ans une poignée de ressortissants de notre génération avec
Quatre garçons plein d’avenir.
Mais on s’en fout du cinéma. Car quand vient dans la vie d’un homme le moment où s’affrontent en son âme le cinéphile et le citoyen, le premier est bien inspiré de fermer sa grande gueule. Bien sûr, le film n’évite pas un certain pathos, surtout vers la fin, et bien sûr, Lilienfeld c’est pas exactement Martin Scorsese, mais putain, pour une fois qu’un film français produit par la télévision française** ose proposer un constat du problème de l’Éducation nationale aujourd’hui, on va pas commencer à ergoter sur les mouvements de caméra !
Je ne sais pas vous (enfin, si, je sais), mais j’ai quelques amis profs. Et quand j’entends ce qu’ils me racontent de leur métier, de leur vie de tous les jours, j’ai juste envie de casser des fenêtres***. Certes, le film ne propose pas de solutions, et d’ailleurs ce n’est pas son boulot (pour ça, il paraît qu’on paye des gens. Si, si. Cher, en plus). Mais il pose un constat courageux, parce qu’il en faut des couilles pour éviter le pamphlet démagogique à la
Entre les murs (très bon film par ailleurs), le « c’était tellement mieux avant » à la
Être et Avoir (très bon film par ailleurs) et le délire à la
Les Choristes (très bonne fiction par ailleurs). Et le fait que ce soit Arte et Jean-Paul Lilienfeld qui aient ces couilles-là, ça pose quelques questions sur le sens des priorités des artistes français.
Bref, si vous voulez faire une bonne action, allez voir
La Journée de la jupe, si tant est que ça passe par chez vous. On ne sait jamais, ça donnera peut-être envie aux chaînes de télévision de produire autre chose que
Plus belle la vie.
Julien
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* Notamment Jackie Berroyer en principal dépassé, l’excellent Denis Podalydès en négociateur et la présence discrète mais remarquée de Anne « Guenièvre dans
Kaamelott » Girouard.
** Franco-allemande, en l’occurrence. Je n’étonnerai personne en révélant que c’est Arte qui s’y est collée, et pas TF1 ou une quelconque autre chaîne 100 % française du service public.
*** Plus précisément, j’ai envie de prendre des élèves et de leur tabasser la gueule à coups de batte de cricket. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai préféré éviter la carrière d’enseignant pour me consacrer à des choses nettement moins utiles que l’on peut détruire sans risque pénal, comme les étanchéités bitumineuses ou le dessin. Cette chronique sera sans doute tout ce que je ferai pour l’Éducation nationale cette année.