Ex nihilo Neil

01 avril 2009

Neil a vu… La Journée de la jupe



Film de Jean-Paul Lilienfeld
31 mars 2009


Dans une salle de théâtre d’un lycée de banlieue, Mme Bergerac essaie d’enseigner la vie de Molière à une classe relativement « difficile ». Une arme à feu tombe d’un sac. Elle s’en saisit. Le monde craque.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce film. On pourrait évoquer la performance d’Isabelle Adjani, qui se fait sans doute trop rare sur nos écrans. On pourrait s’amuser à compter les seconds rôles*. On pourrait aussi faire la comparaison avec Entre les murs, primé à Cannes l’an passé. On pourrait gloser sur la capacité de Jean-Paul Lilienfeld à brosser une fresque sociale convaincante, le principal titre de gloire de ce petit artisan besogneux du rire ayant consisté à amuser il y a douze ans une poignée de ressortissants de notre génération avec Quatre garçons plein d’avenir.

Mais on s’en fout du cinéma. Car quand vient dans la vie d’un homme le moment où s’affrontent en son âme le cinéphile et le citoyen, le premier est bien inspiré de fermer sa grande gueule. Bien sûr, le film n’évite pas un certain pathos, surtout vers la fin, et bien sûr, Lilienfeld c’est pas exactement Martin Scorsese, mais putain, pour une fois qu’un film français produit par la télévision française** ose proposer un constat du problème de l’Éducation nationale aujourd’hui, on va pas commencer à ergoter sur les mouvements de caméra !

Je ne sais pas vous (enfin, si, je sais), mais j’ai quelques amis profs. Et quand j’entends ce qu’ils me racontent de leur métier, de leur vie de tous les jours, j’ai juste envie de casser des fenêtres***. Certes, le film ne propose pas de solutions, et d’ailleurs ce n’est pas son boulot (pour ça, il paraît qu’on paye des gens. Si, si. Cher, en plus). Mais il pose un constat courageux, parce qu’il en faut des couilles pour éviter le pamphlet démagogique à la Entre les murs (très bon film par ailleurs), le « c’était tellement mieux avant » à la Être et Avoir (très bon film par ailleurs) et le délire à la Les Choristes (très bonne fiction par ailleurs). Et le fait que ce soit Arte et Jean-Paul Lilienfeld qui aient ces couilles-là, ça pose quelques questions sur le sens des priorités des artistes français.

Bref, si vous voulez faire une bonne action, allez voir La Journée de la jupe, si tant est que ça passe par chez vous. On ne sait jamais, ça donnera peut-être envie aux chaînes de télévision de produire autre chose que Plus belle la vie.

Julien
______

* Notamment Jackie Berroyer en principal dépassé, l’excellent Denis Podalydès en négociateur et la présence discrète mais remarquée de Anne « Guenièvre dans Kaamelott » Girouard.

** Franco-allemande, en l’occurrence. Je n’étonnerai personne en révélant que c’est Arte qui s’y est collée, et pas TF1 ou une quelconque autre chaîne 100 % française du service public.

*** Plus précisément, j’ai envie de prendre des élèves et de leur tabasser la gueule à coups de batte de cricket. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai préféré éviter la carrière d’enseignant pour me consacrer à des choses nettement moins utiles que l’on peut détruire sans risque pénal, comme les étanchéités bitumineuses ou le dessin. Cette chronique sera sans doute tout ce que je ferai pour l’Éducation nationale cette année.

6 commentaires:

Neil a dit…

Je m'autocommente brièvement pour une petite explication : pendant plus de trois ans j'ai animé une petite chronique cinéma en ligne à destination d'un cercle très privé de personnes. Je n'en ai désormais plus le temps, mais la vision de ce film m'a tellement marqué (et pourtant, ce n'est pas que le film soit formellement époustouflant !) que j'ai eu envie de remettre ça. Et tant qu'à faire, je me suis dit que je pouvais en faire profiter l'univers tout entier, qui l'a bien cherché.
J'en posterai peut-être d'autres, si le goût m'en prend...

Jul a dit…

Cool, pour une fois qu'on a autre chose que de la soupe au cinéma français ! Tu me donnes envie d'aller le voir, tiens.

PS : je pense effectivement que les profs actuels en bavent comme c'est pas permis. C'est plus l'école/le collège/le lycée, c'est la garderie. Les profs font la police et ne dispensent plus de cours, ou très peu... Ajoutez à ça le langage SMS et vous imaginez les hordes d'handicapés scolaires qu'on va avoir dans les prochaines années en entretien de recrutement :(((

C'est moche, quand même. A l'école, pour peu qu'on s'en donne la peine, y a des matières vraiment intéressantes... Pour moi, c'était les langues et l'histoire - j'ai donc logiquement fait un bac S :oD

Sammyday a dit…

Bon, il faudra que je le voie, demain ou dans 3 ans... Mais il est noté sur ma liste de films à voir, qui est longue d'une trentaine de films pour le moment, de "sergent york" à "la journée de la jupe" donc.

Merci pour la critique, et pour l'empathie : moi non plus je n'ai pas eu envie de me consacrer au sacerdoce qu'est l'EN, n'étant pas assez zen et masochiste pour cela.

Xtelle a dit…

il faut vraiment que je vois ce film (avant de m'énerver). je suis prof et j'appréhende justement le côté alarmiste des commentaires que j'entends... je n'en dis pas davantage car je n'ai pas vu le film mais pfffffffffffffffff, arrêtez de taper sur les élèves !!!!!!!

Neil a dit…

Alors, il n'est question ni de taper sur les élèves (qui sont des anges), ni sur les profs (qui sont formidables), ni sur l'administration (qui fait un super boulot), ni sur les parents (qui sont très impliqués), ni sur le gouvernement (qui travaille dur), ni sur personne.
Martin Vidberg décrivait dans son Journal d'un remplaçant un des inconvénients du problème de l'Éducation nationale : tout le monde s'y étant frotté d'une manière ou d'une autre, tout le monde a une opinion dessus. Ce qui ne risque pas de simplifier le débat.
Pour moi, le problème primordial, préalable, c'est qu'il n'y a pas de débat. Tout le monde a plein d'idées, mais il n'y a pas de débat. Et ce genre de film permet de le lancer au niveau du grand public.

Xtelle a dit…

et toi, quelle serait ta position dans ce débat ? lorsqu'un débat est lancé, il faut bien en faire qqch non ?