Ex nihilo Neil

25 octobre 2017

Les cochons vont pas tarder à voler


En ce moment, la campagne #BalanceTonPorc bat son plein sur le net, et c’est très bien.
Alors bien sûr, on a des dizaines, des centaines, des milliers de personnes (hommes ou femmes d’ailleurs) très bien intentionnées, qui se lèvent pour expliquer que ce n’est pas une bonne méthode pour dénoncer le sexisme parce que ça ne fait qu'humilier des hommes. Que ce n’est pas en se plaignant qu’on fait changer les choses. J’ai même vu invoquer l’argument suprême : « si des hommes avaient lancé une campagne #BalanceTaSalope, on ne compterait plus les indignées ! »




C’est ainsi qu’on réalise que le concept de « chiens de garde » s’applique parfaitement au sexisme : essayez de dénoncer un fait bien établi et accepté par la société, si indigne, ignoble et indiscutable soit-il, et des légions se lèvent pour vous empêcher de tout chambouler parce que « ça va, c’est pas si grave ». On appelle ça « la réaction », et ceux qui l’exercent, des « réactionnaires ».

On peut pourtant s’interroger sur les arguments invoqués : déjà, celui qui décrète que ce n’est pas bien de dénoncer le sexisme en… dénonçant le sexisme. C’est sûr que parti comme ça, ça va être difficile.

Ensuite, « se plaindre ne fait pas changer les choses ». Une hypothèse que je contesterai vigoureusement : se plaindre ne fait pas que soulager, ça montre également aux autres que c’est possible. Bien souvent, c’est grâce aux quelques qui osent élever la voix que les victimes prennent conscience de leur condition, qu’elles comprennent qu’elles ne sont pas seules, qu'elles n’y sont pas condamnées et qu’elles peuvent envisager d’en sortir. Comme l’a dit Mar_Lard il y a quelques années alors qu’elle était elle-même victime d’un lynchage en ligne assez ignoble pour avoir osé évoquer le sexisme dans le monde du jeu vidéo : « Scoop : parler, c’est utile ! » Donner la parole aux victimes, ce n’est pas juste un joli geste, éthique mais sans valeur réelle, ça a une vraie utilité. Sauf bien sûr si on part du principe qu’il n’y a pas de vrai problème, ou qu’on ne veut surtout pas le régler. Mais là…


Ultime argument, mon préféré : la réversibilité. « Mettez-vous à la place des hommes », « Imaginez le contraire »… Ce serait recevable si on était face à un problème réciproque. Seulement on est dans le cas d’une « minorité » (même si dans le cas des femmes, le concept est étrange vu qu’elles constituent environ la moitié de la population) maltraitée par la majorité. Considérer le contraire est absurde, autant que de prendre fait et cause pour les esclavagistes sous prétexte que certains ont été lynchés par des noirs révoltés. C’est surtout une énième manière de réduire le problème à un niveau individuel. De considérer que le sexisme, c’est parce qu’il y a « des cons », et puis c’est tout, faut juste les punir eux. Que le sexisme, ce n’est pas un problème fondamental, que ce n’est pas notre société qui est sexiste, juste quelques brebis galeuses, des égarés…

Notre société est sexiste. Jusqu’à l’os. Elle l’est, parce que ses règles mêmes font qu’un homme qui « agit en homme » est valorisé et monte dans l’échelle sociale, alors qu’une femme qui « agit en femme » stagne ou régresse. Elle l’est, parce que quand une femme se fait agresser, porter plainte lui est quasiment impossible (et du reste les commissariats ne désempliraient pas). Elle l’est, parce quand les femmes essaient de se rebeller, tout un ban se lève pour leur expliquer qu’elles sont bien gentilles, mais on a des choses plus importantes à faire, et comment vous étiez habillées d’abord, et est-ce que vous ne l’avez pas un peu cherché, etc.

Alors balance ton porc ! Pas pour qu’il finisse en taule (ça, ce ne sera qu'un agréable à-côté), mais pour que tout le monde prenne conscience du problème.  

3 commentaires:

Vichenteku a dit…

Tout pareil, mais en plus fort, plus grand et plus méchant. Moi, je leur couperais les c.

Faut dire que la défense de certains de ces enc. (tiens ça leur ferai pas de mal d'essayer sans leur consentement), c'est de dire "j'ai pas fait exprès (politique connu et reconnu) d'avoir ma main dans sa culotte".

Et certains voire certaines défendent ces gens là sont prétexte qu'ils ont fait des choses bien en politique pour la société. l'éternel balance cosmique (tant que c'est équilibré, ça fonctionne).

Bande de conn....

Ils me font tous gerber.

PS : le fait d'avoir une fille m'a ouvert les yeux sur ce genre de sujet. Parce qu'avant, malheureusement, je laissais dire et faire.

Victor von Jul a dit…

J'en profiterai que la majorité des avancées sociales et sociétales dont nous jouissons (encore), comme les journées raccourcies, les congés payés, etc. viennent de la revendication et donc de l'exposition des problèmes au vu de tous. Si on avait dû attendre que les patrons décident, on serait encore à la semaine de 6 jours, 16h par jour :-/
Par conséquent, dire "dénoncer ne sert à rien" revient à dire une grosse bêtise...

Neil a dit…

Tout à fait. En général, ceux qui disent "non mais aujourd'hui ça va, on est vachement plus libres, et tout..." oublient en général que ça n'est pas tombé du ciel, et qu'il a fallu râler, et souvent bien plus, pour que ce soit possible. Et que ce ne sera jamais fini : les programmes politiques actuels montrent bien que la volonté de supprimer les avancées est toujours là, et bien là. Ne cédons pas d'un pouce, parce qu'eux ne nous raterons pas.