Ex nihilo Neil

13 janvier 2025

They suck (mais pas pareil)

 J'ai vu quelques films pendant les vacances... pas beaucoup mais des signifiants.



Nosferatu, Robert Eggers, 2024

Pour me préparer au nouveau film de Robert Eggers (dont j'avais beaucoup aimé le The Vvitch), j'ai poussé le vice jusqu'à aller voir le vieux Nosferatu de Friedrich Murnau en salle lors d'une rediffusion. J'ai un peu dormi pendant l'œuvre, mais je dois reconnaître que les scènes cultes le sont pour une raison, et la présence de Max Schreck en vampire suintant la malévolance reste incroyable. 

Alors que vaut ce remake ? Eh bien déjà, c'est vraiment un remake, qui reprend un par un les événements du classique de 1922. Dans ce dernier, Murnau n'avait pas les droits de Dracula (roman sorti à peine plus de vingt ans auparavant, oui c'est fou quand on y pense), il a changé tous les noms, Jonathan Harker devenant Thomas Hutter, Mina devenant Ellen, Dracula devenant Orlock, Van Helsing devenant von Frantz et Londres devenant Wirburg, petite localité allemande. L'histoire n'est pas non plus exactement la même, mais dans l'ensemble on s'y retrouve. Le remake reprend tout ça à la lettre.

L'originalité ici est de faire d'Orlock une incarnation de l'appétit, et notamment l'appétit sexuel. Bon en fait ça n'a rien d'original, les vampires en métaphores du désir c'est pas nouveau, mais c'est bien fait, et Eggers en profite pour retrouver un sujet qu'il avait largement abordé dans The Vvitch, la condition féminine et notamment l'injonction à la tempérance. En l'occurrence Ellen (jouée par Lily-Rose Depp avec une certaine intensité et non sans talent) est une jeune femme troublée par de féroces pulsions, que la société tente de contraindre de multiples façons, et Orlock vient donner à tout cela une tournure tout à fait concrète. Dès lors je ne suis pas sûr de comment interpréter la fin du film, elle aussi raccord avec l'œuvre de Murnau... mais je me contenterai de signaler la fabuleuse interprétation de Willem Defoe (qui a l'air né pour incarner Van Hels... euh, von Frantz) et celle non moins impressionnante de Bill Skarsgård, qui aime décidément jouer les monstres métaphoriques.



Vingt dieux, Louise Courvoisier, 2024

C'est un film bizarre que Vingt dieux, un genre de tranche de vie très brute auquel je ne suis plus très habitué. Un film sur des vrais gens, dans un territoire oublié des dieux et des services publics, où les jeunes désœuvrés se retrouvent orphelins du jour au lendemain mais sont surtout laissés sans repères dès la naissance... Vingt dieux est un excellent film, qui dit exactement ce qu'il veut dire et montre exactement ce qu'il veut montrer. Quand on est sortis de la salle, je pensais qu'on n'aurait pas grand-chose à en dire. Au final, c'est sûrement un des films que j'ai le plus débriefé de ma vie (hors nanars rigolos). Tellement de choses sont dites sur la situation actuelle dans nos campagnes sans en avoir l'air qu'il nous a occupés plusieurs repas de suite. On ne peut pas en dire autant du film suivant.

 


 

Spellbound (Ellian et le Sortilège), Vicky Jenson, 2024

J'aimerais vous faire une critique constructive de ce « Netflix de Noël », mais je suis obligé de le reconnaître : passé le premier quart d'heure on s'est dit qu'on n'allait jamais tenir, et on a regardé des petits bouts du milieu, puis la fin, et ça a juste confirmé que c'est de la merde. Mais pas de la merde professionnelle comme Vaiana 2, où au moins les scénaristes savent ce qu'ils font. 

Dans Vaiana 2, ils écrivent un truc générique, sans du tout retrouver l'intérêt du premier, mais au moins ça tient debout. Ce n'est pas une œuvre, c'est tout juste du « contenu », mais ils sont partis de leurs idées et ont composé avec les contraintes. Chez Netflix, c'est le contraire : on part d'un cahier des charges. Je l'avais déjà remarqué dans Sea Beast, et un peu aussi dans Klaus (devant lequel tout le monde se pâme mais il faut se détendre : c'est juste bien – et très beau), Netflix cherche juste à reproduire des recettes qui marchent ailleurs, sans rien y comprendre. Ça donne vraiment l'impression que des gens en costumes très chers regardent des Disney, des Dreamworks et des Pixar en prenant des notes très sérieuses dans leurs petits carnets, puis donnent leurs consignes aux animateurs. 

C'est la même différence qu'entre quelqu'un qui suit, même maladroitement, une recette rédigée par sa grand-mère, et quelqu'un à qui on fournit des œufs, de la farine et du sucre, et vas-y, c'est avec ça que les autres font des super trucs, démerde-toi ! Et comme ils emploient de très bons animateurs, ça peut faire de jolies images, mais ça reste des coquilles complètement vides. Et on va sûrement en avoir encore beaucoup, de ces films d'animation sans âme, avant que Netflix ne coule... mais bon, ça occupera les youtubeurs ciné des années 2040 qui feront des rétrospectives.


Personne n'y comprend rien, Yannick Kergoat, 2025

Last but not least, le film documentaire sur l'enquête de Médiapart sur l'affaire des financements libyens de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Comme le dit si bien le principal intéressé, « si c'était le scénario d'une série, on n'y croirait pas », ce qui ne veut certainement pas dire que ce n'est pas ce qui s'est vraiment passé. C'est peu dire que je voue une haine tenace à Nicolas Sarkozy, que je tiens pour un des principaux responsables de la misère politique et éditoriale de notre pays aujourd'hui, mais ce film me l'a fait redécouvrir sous un angle encore plus détestable. Reprenant point par point, posément, chaque étape de cette enquête incroyable, le film étale une galerie de portraits qui sera sans doute adaptée en vraie série télé un jour, avec en tête l'inénarrable Ziad Takieddine et le terrifiant Alexandre Djouhri, hommes dits pudiquement « intermédiaires » et clairement le genre de mecs qu'on appelle à trois heures du matin quand on veut se débarrasser d'un cadavre... Un film qu'il faut aller voir tant il est peu diffusé (et pour cause) et tant ça fait de bien de voir du bon journalisme dans notre pays.


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