Ex nihilo Neil

03 février 2023

Street-art et canards

 


Hier on est allés voir l'exposition Capitale(s) à l'hôtel de ville de Paris, qui porte sur le street-art. Elle est prolongée jusqu'à mars, donc je vous conseille tout de même d'y aller, c'est gratuit et même si je n'ai pas adoré la première partie (sur l'histoire des graffeurs, à l'époque où c'était juste des jeunes avec des bombes de peinture qui effrayaient les honnêtes gens), la seconde est visuellement assez ouf.

Il y a notamment cette improbable carte gigantesque de
Paris indiquant l'emplacement de tous les Invaders...
Je pense que je serais prêt à payer pour le pdf de ce truc.

Mais plus sérieusement, pendant toute l'exposition, je pensais à l'article que je venais de lire dans Canard PC. Si vous l'ignoriez, sachez que le mag qui dynamite le jeu vidéo vient de voir partir deux de ses plus belles plumes (déjà qu'elles sont pas nombreuses) : Kahn Lusth, le rédacteur en chef, qui quitte la barque après quatorze belles années, et Noël Malware qui, même s'il n'y aura passé que quatre ans, a clairement marqué de sa patte la critique du jeu vidéo en France. 

Et justement, un des derniers articles de Malware traitait de l'art, avec une proposition aussi violente qu'agréable : « L'art n'existe pas, l'art n'a jamais existé. [...] La seule chose qui existe, et que recouvre la définition de l'art, c'est un conflit entre les groupes sociaux pour obtenir que leurs pratiques culturelles particulières soient considérées comme légitimes, importantes et universelles. La définition de l'art est uniquement symbolique, mais ce symbole est très important : il a des répercussions réelles pour les gens qui réalisent des œuvres, pour ceux qui les consomment, pour ceux qui les vendent et pour ceux qui les soutiennent. [...] Pour n'importe quelle forme culturelle, accéder au statut tant convoité d'art recouvre des réalités très matérielles et très concrètes. »


En regardant ces graffitis, mosaïques, pochoirs et autres peinturlurages improbables et parfois authentiquement magnifiques, exposés au cœur du siège de l'exécutif parisien, impossible de ne pas penser qu'il n'y a même pas quarante ans, les fonctionnaires travaillant en ce même édifice ne voyaient en ces griffonnages qu'une source de dépenses pour la ville – qui devait envoyer des agents municipaux les nettoyer – et une preuve de plus que la jeunesse était décadente et en mal de repères, puisqu'elle s'adonnait à ces actes de vandalisme plutôt que de venir travailler avec eux derrière leurs bureaux pour rendre la ville plus fonctionnelle. Aujourd'hui que ces œuvres ont accédé au statut d'art et, sans doute, de niche fiscale permettant à des nantis de ne pas financer le nettoyage des murs à travers leurs impôts, la mairie les expose. Le temps passe, et la saucisse dans laquelle on vit se farcit.

La bonne nouvelle, c'est que si Malware s'en va, Ellen Replay
revient, et devient rédac-chef de CPC. Et ça c'est trop cool.


Aucun commentaire: