Ex nihilo Neil

15 avril 2024

L'humanité au cœur de l'Entre-Terre

 

J'ai rejoué à Elden Ring, dernièrement. Comme d'habitude quand je fais des From Software, j'essaye de suivre le maximum de quêtes de PNJ, car elles sont souvent très bien écrites dans leur minimalisme. Et je me suis rendu compte de la profondeur de celle de Diallos.

Diallos, c'est un chevalier à l'armure chatoyante que l'on croise relativement tôt dans l'aventure, autour de la Table ronde (ce n'est pas la Table ronde du roi Arthur, mais c'est un peu l'idée). Dès son introduction, on devine son passif : « Vous devez être nouveau ici. Je suis... bah, appelez-moi simplement Diallos. L'honneur d'une maison importe peu en ces terres. »

En quelques mots, il vous fait comprendre que la noblesse ce n'est pas important, mais que lui l'est assurément, noble. Une leçon de fausse modestie, qui ne se démentira jamais par la suite. Il vous explique notamment qu'il cherche sa servante, une dénommée Lanya, qu'il semble tenir en haute affection. Plus tard, vous le retrouverez au-dessus du corps de celle-ci, en larmes, puis en rage : « Ils ont porté la main sur ma servante, et je ne laisserai pas cette injure impunie ! “L'histoire de la maison Hoslow est écrite dans le sang !” Moi, Diallos, promet de délivrer ce message ! »

Et sur le moment, il semble sincèrement éploré, outré. Mais plus tard encore, vous le retrouvez au manoir du Volcan, siège des Récusés qui ont tué Lanya, dont il a rejoint les rangs. C'est une ruse, bien sûr. Il vous l'explique longuement, avec force arguments. Il les infiltre pour comprendre leur fonctionnement et leur porter un coup fatal, de l'intérieur. Mais chaque phrase vous fait comprendre qu'il est surtout en train de tourner casaque. Ils ont leurs raisons, ils n'ont pas forcément tort, et si épouser leur cause était enfin l'occasion de prouver sa valeur ? Et si c'était finalement pour ça que Lanya était morte ? Et si, en fait, ce malheureux incident avait été un signe du destin ? Peut-être même serait-ce faire injure à sa pauvre servante que de refuser cette voie ?

Chaque fois que vous le croisez, la gloire dont il parvenait encore vaguement à s'auréoler en prend un coup, et chaque fois vous comprenez un peu plus à qui vous avez affaire : un second fils d'une maison glorieuse, qui n'a jamais rien fait de ses dix doigts, a rêvé de gloire et d'honneur toute sa vie mais est paralysé par l'incertitude et la peur d'agir, incapable de se dresser contre qui que ce soit, incapable de dire non. Un être pathétiquement humain. Au point que je me suis rappelé que oui, G. R. R. Martin est impliqué dans l'écriture de ce jeu, et ce n'est peut-être pas tant un détail que ça. Après tout, Game of Thrones est truffé de personnages terriblement humains dans ce goût-là, de chevaliers dépassés par ce que l'on attend d'eux. 

Une magnifique illustration de Danbooru.

Et puis, à la fin, vous le retrouvez à Jarrebourg, le village des pots en terre vivants. Là, il passe son temps à laver les pieds de ces êtres misérables, jurant de ne plus jamais tirer l'épée, et de s'en tenir là, au rang de serviteur des créatures les plus basses de ces terres. Il dit avoir trouvé la paix, et vous le laissez. Après tout, chacun doit suivre sa voie.

Si vous revenez une dernière fois, vous le retrouverez agonisant. Des « braconniers » ont attaqué le petit village, et il l'a protégé. Il a éliminé la menace, même s'il l'a payé cher. Et pour une fois, il ne vous parle pas de sa petite vie et d'une quête insensée : « Ah, c'est vous... les jarres... est-ce qu'elles vont bien ? Est-ce que je les ai défendues ? » Et si vous lui confirmez, il rend son dernier souffle : « Alors tout va bien... Ce pauvre fou a prouvé sa valeur, finalement... »

Diallos, le chevalier qui cherchait la gloire, et a fini par comprendre qu'il n'est de plus grande destinée pour le fort que de se mettre au service des plus faibles. 

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