Ex nihilo Neil

30 novembre 2022

Le mal habite au 7

 

Comme la soirée Carpenter, Carrion, Providence et l'actualité du monde n'étaient pas assez anxiogènes, j'ai joué récemment à Resident Evil VII – Biohazard*, qui traînait dans mon backlog depuis bien longtemps. J'avais beaucoup apprécié mon expérience sur le remake du deuxième opus, à ma grande surprise, et j'ai tout autant apprécié celle-ci.

Le repas de famille, sans doute une des scènes les plus cultes de cet opus.

Niveau histoire, on reste dans le un peu nanar, mais la narration (la nanarration ?) est excellente. On va découvrir la tentaculaire maison de la charmante famille Baker, de sympathiques habitants du bayou. Ce sera l'occasion d'explorer plusieurs clichés horrifiques américains : les passages avec le père rappellent les slashers, ceux avec la mère nous plongent davantage dans le body horror, les niveaux du fils évoquent ouvertement les torture porns à la Saw et la petite dernière rappelle clairement les gamines psychopathes à pouvoirs genre Firestarter. Y a que mamie, dans son fauteuil roulant, qui nous fout la paix. Encore que...?

Alors moi, les Resident Evil, je m'embête pas, je les fais en mode Facile. Rien à faire du qu'en-dira-t-on, je veux bien sursauter de temps en temps, mais pas me prendre la tête à mourir en boucle, je réserve ça aux jeux avec un gameplay de combat précis et léché (genre... les jeux From Soft). Au final j'ai dû mourir trois fois durant les neuf heures que m'aura pris la partie, ça va. Et j'ai passé un excellent moment : le gameplay se renouvelle sans cesse, les énigmes sont cool, la map est bien fichue et très claire, la progression... progressive, les jump scares fonctionnent sans être ni terrifiants, ni trop abondants... Une bonne expérience, que je ne tenterai cependant jamais dans un mode de difficulté supérieur. Ni, Dieu m'en préserve, en VR (parce que faut quand même pas déconner !).

* Notez qu'en japonais, le jeu s'appelle Biohazard VII – Resident Evil. Oui, parce qu'en japonais, Resident Evil ça s'appelle Biohazard, ça a été renommé lors du passage aux États-Unis (pour des questions de droits).

28 novembre 2022

Confondre la classe et l'élégance

 

Ce week-end, c'était notre traditionnelle soirée costumée annuelle dite du Triple Anniv', et pour moi c'est clairement mon pote Oud qui a gagné le prix du costume le plus original.

L'occasion aussi de me rendre compte à quel point je suis heureux de vivre encore, à mon âge canonique, ce genre d'événement un peu idiot avec mes potes. Profitons des bons moments.

25 novembre 2022

L'apocalypse selon saint John

 


Ces derniers jours, j'ai joué à Carrion, j'ai écouté Karim Debbache et j'ai relu Providence, autant dire que tout me prédisposait à ce qui allait arriver. Un soir que Bij était de sortie, j'ai enchaîné les films de la trilogie de l'Apocalypse du grand John Carpenter, afin de parfaire ma connaissance de son cinéma. Y a eu petite claque, quand même...

Mais reprenons du début...


En 1982 sort The Thing, réadaptation du roman Who Goes There? (John W. Campbell, 1938) après un vieux film de 1951. Le film est un gros bide, totalement incompris par le public comme par la critique. Aujourd'hui, impossible de ne pas y reconnaître un chef-d'œuvre absolu du cinéma d'horreur, largement au même niveau que l'Alien de Ridley Scott sorti à peine trois ans plus tôt. Il en partage d'ailleurs l'aspect huis clos et l'ambiance lovecraftienne, avec de simples humains qui affrontent une chose incomparablement plus puissante, face à laquelle ils n'ont aucune chance, et dont l'arrivée au contact de la civilisation signerait imparablement la fin de celle-ci. On peut d'ailleurs trouver que l'esprit de Lovecraft se marie mieux avec le nihilisme de Carpenter qu'avec l'esthétisme de Scott.

Le film était et reste une tuerie aujourd'hui (vous l'avez ?), avec des effets toujours aussi impressionnants, au sens où ils font grande impression, et un rythme dingue, notamment lors des quelques scènes restées cultes pour de bonnes raisons (une a même été parodiée dans Chroma). La créature de The Thing demeure encore aujourd'hui une des plus grandes réussites du cinéma (même quand on la voit, elle est impossible à décrire, ce qui est l'essence même du lovecraftien), et les concepts qu'elle soulève sont toujours aussi forts. C'est cracra, mais qu'est-ce que c'est bien !


En 1987 sort Prince of Darkness (Prince des ténèbres en VF), un film qui ne débute pas du tout comme je l'imaginais. Dans la cave d'une église de Los Angeles, une sorte de grande jarre en verre contient un liquide vert aux propriétés étranges. À la demande d'un prêtre, une équipe de scientifiques va venir étudier la chose. 

Sans doute celui des trois qui a le plus mal vieilli, Prince of Darkness nous propose une nouvelle vision du Mal corrupteur sans visage (thème fétiche de Carpenter), avec ce liquide malveillant, équivalent sérieux du slime de Ghostbusters 2. On retrouve l'idée d'enfermement dans un lieu unique avec un danger insidieux qui rôde. J'ai du mal à interpréter le film, il évoque beaucoup de choses et met face à face de manière encore plus frontale que The Thing la science et l'incroyable, mais il est moins marquant. C'est aussi celui que j'ai vu en dernier, donc je suis sans doute un peu biaisé, les deux autres opus de la trilogie étant d'authentiques chef-d'œuvre. d'ailleurs...

In the Mouth of Madness (L'Antre de la folie) sort en 1995, et je me souviens très bien en avoir entendu parler à l'époque ; je lisais Player One, magazine de jeux vidéo qui se piquait de parler aussi de pop culture, qu'on n'appelait pas encore geek. Et m'être dit que je ne verrais jamais ce film, qui n'était clairement pas pour moi. Comme quoi on est bien bête à 14 ans.

In the Mouth of Madness est tout simplement une des adaptations les plus fidèles de l'univers de Lovecraft que j'aie jamais vue. Tout y est, des personnages aux lieux, en passant par cette idée d'horreur cosmique, de destinée implacable, de livres maudits, au point que j'ai réalisé qu'Alan Moore avait sans doute piqué quelques idées au film pour son Providence (la scène dans le bus, notamment, m'a clairement rappelé un passage identique évoqué dans la BD, où le protagoniste est jeté à la porte d'un autocar après avoir hurlé dans son sommeil).

Pour résumer, Sam Neill joue un enquêteur d'une maison d'assurances qui essaie de retrouver un auteur mystérieusement disparu, Sutter Cane, mélange pas du tout dissimulé de H. P. Lovecraft et de Stephen King. Comme le film nous le révèle dès le début, cette investigation ne va pas du tout lui réussir. Le long-métrage est magistral, l'écriture est parfaite. Il en émane surtout une profonde compréhension des idées de Lovecraft. Les acteurs sont à fond, en particulier Sam Neill qui fait complètement oublier le bourru mais sympathique Alan Grant de Jurassic Park (dont il était tout auréolé à l'époque) pour incarner un cynique désagréable, dragueur, fumeur, sans-gêne mais réaliste, qui va voir ses certitudes s'écrouler face au pouvoir corrupteur d'un livre. 

On est décidément très proche de Providence, ce qui explique sans doute pourquoi j'ai autant apprécié ce film, qui semble malheureusement devoir rester le dernier grand chef-d'œuvre de Carpenter (les suivants ayant quelque peu perdu le feu sacré). 


23 novembre 2022

La pêche au léviathan

 


Je viens de passer deux mois (facile) à lire Moby Dick, le bien connu chef-d'œuvre d'Herman Melville. Ce fut un peu long, car le bouquin est un pavé de presque 800 pages particulièrement indigeste, mais je ne regrette pas. La scène ci-dessus, correspondant au chapitre 49, m'a particulièrement marqué par son comique de situation, du coup j'ai eu envie de la mettre en image (le livre n'est pas exempt d'humour, même si c'est très loin d'être son point fort, mais ce passage m'a fait rire... bien sûr j'ai modernisé le texte, mais c'est bien l'idée générale).

Un pavé indigeste que j'ai bien aimé, mais il faut
que je vous explique pourquoi...

 

Ceci étant dit, à qui conseiller la lecture de Moby Dick ? C'est assez simple :

  • si vous êtes passionné de littérature symboliste américaine, c'est un incontournable. Le livre est connu comme étant pétri de symboles, et même si vous êtes hermétiques à ce genre de subtilité les milliers de comparaisons, métaphores et autres analogies parfois très explicites ne pourront pas vous échapper. De fait, Moby Dick est considéré comme un chef-d'œuvre du symbolisme, ce n'est pas usurpé, et des centaines de thèses expliquent en quoi cette chasse à la baleine est en fait une lutte du bien contre le mal, ou un défi face à Dieu, bref plein de concepts philosophico-religieux très subtils dont je n'ai sans doute pas saisi le centième ;
  • si vous vous intéressez à la pêche à la baleine, ce qui, pour je ne sais quelle raison, était mon cas, c'est là aussi un passage obligé. Melville a lui-même travaillé un temps sur un baleinier, le livre est hyper documenté et explique en détail tous les aspects de la « grande pêche », de la traque au dépeçage, en passant par l'étonnante récupération du spermaceti, cette huile particulière contenue dans la tête des cachalots. Ces descriptions occupent largement plus de 75 % du livre, autant vous dire que si ça ne vous intéresse pas, vous pouvez laisser tomber la lecture ;
  • si vous voulez vivre un moment intense de face à face entre un titan quasi surnaturel et une volonté de fer à la limite du pathologique (plus qu'à la limite en fait... à quelques encablures au-delà de la limite, disons), je vous suggère de commencer au chapitre 131 (p. 751 dans mon édition), puisque ce n'est pas avant qu'ils croisent enfin ce putain de cachalot blanc qui donne son titre au livre, et que l'affrontement est relativement vite expédié.
Sinon j'ai vu le film de John Huston il y a quelques années,
et j'en ai un souvenir assez fort, donc à tout prendre je vous
le conseille plus que le livre. Qui est bien, hein, mais
quand même c'est long.


21 novembre 2022

Grand écart vidéoludique

Ces deux dernières semaines, j'ai joué à deux petits jeux et je pense qu'on ne peut pas faire plus radicalement opposé dans l'esprit...


Le premier ce fut Alba - A Wildlife Adventure, qui était gratuit sur l'Epic Game Store la semaine dernière. Alba, c'est du condensé de mignonnitude recouvert d'une fine pellicule de sucre, juste ce qu'il faut pour que ce soit délicieux sans être lourd.

Le style visuel ne fait qu'ajouter à la mign... Alba,
derrière toi, une perdrix !
 

Vous dirigez Alba, 11 ans, qui parcourt la petite île où elle passe ses vacances en s'efforçant d'identifier toutes les bestioles qu'elle croise. Le gameplay est simplissime : vous vous baladez, vous prenez les animaux croisés en photo, l'appli les reconnaît. Vous avez également des petites missions à remplir, jamais trop difficiles, pour sauver la réserve naturelle locale, aider les habitants à résoudre leurs petits problèmes, et pendant tout le temps de l'aventure vous allez vous extasier devant les animations hyper choupettes des personnages, notamment Alba et sa manière de courir en écartant les bras.

Alba, c'est un petit bijou des mêmes auteurs que Assemble With Care, un jeu hyper chill pour vous détendre entre deux survivals, voire un jeu pour n'importe quel enfant de 7-8 ans qui voudrait s'évader un week-end de pluie (deux sessions suffiront). Il dispose même d'une bonne traduction française, alors pourquoi se priver ?


 Le second, ce fut Carrion, dont j'avais déjà évoqué la démo. Carrion, c'est du condensé de cracra, avec des gros pixels qui dégouttent du sang de vos victimes, puisque vous incarnez une créature dans l'esprit de The Thing, qui essaie de s'enfuir d'un centre de recherche.

La grosse originalité de Carrion, c'est cette improbable boule de chair que vous dirigez, et surtout son animation et sa maniabilité exemplaires. Dans son genre, c'est incroyablement agréable à diriger, et le pixel art est magnifique, avec une vraie ambiance. 

Attention, petite boule de chair dégueulasse,
tu risques de te faire pincer très fort !

Malheureusement, dans les faits, le jeu derrière cette prouesse n'est pas foufou : c'est un petit metroidvania pas toujours inspiré, relativement linéaire (ce qui est gênant dans un metroidvania, justement), qui vous occupera environ cinq heures. Je m'y suis un peu ennuyé pendant le premier tiers, puis ai fini par y trouver un certain apaisement en laissant, de temps en temps, survivre tel ou tel humain par pur caprice, plutôt que de l'éclater contre une cloison à grand coup de pseudopode sanguinolent... Que voulez-vous, les jeux vidéo, ça me rend poète.

18 novembre 2022

Nouvelles du donjon

 

 

Un petit fanart d'Horous, qui est, je ne sais pas pourquoi, un personnage que j'aime vraiment beaucoup dans Donjon. Je trouve qu'il a la classe, à la fois inquiétant et marrant, compétent et un peu con et mortellement dangereux... Et puis c'est un vautour, et les vautours c'est trop cool.


Bon, plus sérieusement, trois nouveaux tomes de Donjon sont sortis récemment, tous évidemment excellents. 

Les Poupoutpapillonneurs (Donjon Monsters 15) nous emmène à Cochonville une vingtaine d'années avant l'histoire principale, où nous suivons de jeunes étudiants en magie faire des trucs un peu cons. Le dessin de Juanungo est somptueux, et l'histoire raccorde plein de trucs vus ailleurs (et explique un peu plus le fonctionnement de la magie dans cet univers, ce qui n'est pas du luxe). En outre on a enfin une reprise du Poupoutpapillon vu dans Le Géant qui pleure, qui reste en tête de mon top des incantations les plus débiles.

Quelque part ailleurs (Donjon Monsters 16) présente un nouveau personnage et prend place (en grande partie) à Nécroville, cité des morts. L'histoire est bien, mais la principale originalité de l'album est d'être dessiné par Guy Delisle, qui nous a plus habitués à des chroniques intimistes et/ou politiques (tout est bien dans sa bibliographie mais si vous ne devez en lire qu'un, lisez Pyongyang, c'est complètement fou).

Larmes et Brouillard (Donjon Zénith 9), enfin, reprend la trame principale avec Herbert et Isis, et se révèle un album particulièrement fort (je vais pas dire que j'ai pleuré, mais ça m'a foutu un coup quand même). Boulet au dessin est toujours aussi puissant, et l'intrigue progresse (enfin !, diront certains). 

Bref, Donjon reste sans problème une des meilleures séries françaises à ce jour, j'envie ceux qui vont la découvrir.

*

*  *

Par ailleurs, puisqu'on parle de BD et d'excellentes séries, ceci vient de sortir.


Après deux tomes que j'ai trouvés (très) légèrement en-deçà, Les Vieux Fourneaux reviennent en pleine forme avec un très, très bon album parfaitement en phase avec notre époque à l'ambiance légèrement tendax. Une lecture indispensable (d'ailleurs Bolchegeek parle de la série dans sa nouvelle émission, je conseille tout autant).

16 novembre 2022

Bienvenue dans le bac à sable

 

Supraland est un jeu surprenant. Vous pensez lancer un puzzle game, et vous vous retrouvez avec une espèce de metroidvania bac à sable, mais en fait quand même pas mal puzzle game... et surtout vous vous marrez. Mais vraiment.

Supraland a été apparemment créé par un seul homme, David Münnich, un développeur que j'imagine un peu fou mais avec qui j'aimerais bien prendre une bière (pas comme d'autres développeurs indé qui me font juste peur). Il s'agit d'un jeu où vous incarnez un petit bonhomme en pâte à modeler dans un grand bac à sable. Pas n'importe quel petit bonhomme : vous êtes le fils du roi et de la reine des Rouges, et les Bleus vous ont coupé l'eau ! Charge à vous d'aller chez l'ennemi comprendre ce qui s'est passé.

Une espèce de Portal acidulé et rigolard, plein de surprises.

En cours de route, vous allez devoir résoudre trois milliards de puzzles environnementaux, explorer chaque recoin (et il y en a approximativement 6,02.1023) de la map, trouver des quintillions de coffres qui contiennent des tas d'améliorations plus ou moins utiles... Oui parce que dans Supraland, vous partez de zéro : au début vous n'avez rien, à peine une barre de vie, et vous allez devoir trouver de nouvelles armes, compétences et même éléments de l'interface de jeu au fur et à mesure de votre progression.

Ajoutons que le jeu est drôle, vraiment drôle, avec un humour méta assez absurde, un univers foutraque mais joyeux, et des énigmes parfois tordues mais jamais bloquantes (vous pouvez toujours aller vous balader ailleurs et revenir plus tard, l'esprit frais). J'y ai passé une vingtaine d'heures avant de voir la fin, et j'ai juste envie de continuer pour trouver tous les coffres et toutes les astuces...