Ex nihilo Neil

25 novembre 2022

L'apocalypse selon saint John

 


Ces derniers jours, j'ai joué à Carrion, j'ai écouté Karim Debbache et j'ai relu Providence, autant dire que tout me prédisposait à ce qui allait arriver. Un soir que Bij était de sortie, j'ai enchaîné les films de la trilogie de l'Apocalypse du grand John Carpenter, afin de parfaire ma connaissance de son cinéma. Y a eu petite claque, quand même...

Mais reprenons du début...


En 1982 sort The Thing, réadaptation du roman Who Goes There? (John W. Campbell, 1938) après un vieux film de 1951. Le film est un gros bide, totalement incompris par le public comme par la critique. Aujourd'hui, impossible de ne pas y reconnaître un chef-d'œuvre absolu du cinéma d'horreur, largement au même niveau que l'Alien de Ridley Scott sorti à peine trois ans plus tôt. Il en partage d'ailleurs l'aspect huis clos et l'ambiance lovecraftienne, avec de simples humains qui affrontent une chose incomparablement plus puissante, face à laquelle ils n'ont aucune chance, et dont l'arrivée au contact de la civilisation signerait imparablement la fin de celle-ci. On peut d'ailleurs trouver que l'esprit de Lovecraft se marie mieux avec le nihilisme de Carpenter qu'avec l'esthétisme de Scott.

Le film était et reste une tuerie aujourd'hui (vous l'avez ?), avec des effets toujours aussi impressionnants, au sens où ils font grande impression, et un rythme dingue, notamment lors des quelques scènes restées cultes pour de bonnes raisons (une a même été parodiée dans Chroma). La créature de The Thing demeure encore aujourd'hui une des plus grandes réussites du cinéma (même quand on la voit, elle est impossible à décrire, ce qui est l'essence même du lovecraftien), et les concepts qu'elle soulève sont toujours aussi forts. C'est cracra, mais qu'est-ce que c'est bien !


En 1987 sort Prince of Darkness (Prince des ténèbres en VF), un film qui ne débute pas du tout comme je l'imaginais. Dans la cave d'une église de Los Angeles, une sorte de grande jarre en verre contient un liquide vert aux propriétés étranges. À la demande d'un prêtre, une équipe de scientifiques va venir étudier la chose. 

Sans doute celui des trois qui a le plus mal vieilli, Prince of Darkness nous propose une nouvelle vision du Mal corrupteur sans visage (thème fétiche de Carpenter), avec ce liquide malveillant, équivalent sérieux du slime de Ghostbusters 2. On retrouve l'idée d'enfermement dans un lieu unique avec un danger insidieux qui rôde. J'ai du mal à interpréter le film, il évoque beaucoup de choses et met face à face de manière encore plus frontale que The Thing la science et l'incroyable, mais il est moins marquant. C'est aussi celui que j'ai vu en dernier, donc je suis sans doute un peu biaisé, les deux autres opus de la trilogie étant d'authentiques chef-d'œuvre. d'ailleurs...

In the Mouth of Madness (L'Antre de la folie) sort en 1995, et je me souviens très bien en avoir entendu parler à l'époque ; je lisais Player One, magazine de jeux vidéo qui se piquait de parler aussi de pop culture, qu'on n'appelait pas encore geek. Et m'être dit que je ne verrais jamais ce film, qui n'était clairement pas pour moi. Comme quoi on est bien bête à 14 ans.

In the Mouth of Madness est tout simplement une des adaptations les plus fidèles de l'univers de Lovecraft que j'aie jamais vue. Tout y est, des personnages aux lieux, en passant par cette idée d'horreur cosmique, de destinée implacable, de livres maudits, au point que j'ai réalisé qu'Alan Moore avait sans doute piqué quelques idées au film pour son Providence (la scène dans le bus, notamment, m'a clairement rappelé un passage identique évoqué dans la BD, où le protagoniste est jeté à la porte d'un autocar après avoir hurlé dans son sommeil).

Pour résumer, Sam Neill joue un enquêteur d'une maison d'assurances qui essaie de retrouver un auteur mystérieusement disparu, Sutter Cane, mélange pas du tout dissimulé de H. P. Lovecraft et de Stephen King. Comme le film nous le révèle dès le début, cette investigation ne va pas du tout lui réussir. Le long-métrage est magistral, l'écriture est parfaite. Il en émane surtout une profonde compréhension des idées de Lovecraft. Les acteurs sont à fond, en particulier Sam Neill qui fait complètement oublier le bourru mais sympathique Alan Grant de Jurassic Park (dont il était tout auréolé à l'époque) pour incarner un cynique désagréable, dragueur, fumeur, sans-gêne mais réaliste, qui va voir ses certitudes s'écrouler face au pouvoir corrupteur d'un livre. 

On est décidément très proche de Providence, ce qui explique sans doute pourquoi j'ai autant apprécié ce film, qui semble malheureusement devoir rester le dernier grand chef-d'œuvre de Carpenter (les suivants ayant quelque peu perdu le feu sacré). 


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